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Couperin heureux

Carole Cerasi avait bien caché son jeu : alors que tant abordent en cette année anniversaire leur Couperin par un disque récital ou au mieux un livre entier, voici qu’elle nous offre d’un bloc l’intégrale des vingt-sept ordres, tout cela enregistré en un peu plus d’une année, L’Art de toucher le clavecin s’y ajoutant ensuite.

Merveille d’élégance que ce jeu souple qui suggère le tendre, peint les subtilités du sentiment, mais sait aussi se saisir des caractères que Couperin dessine d’un crayon vif. C’est la diversité de cet univers que la claveciniste exalte, jouant tout ce théâtre d’émotions dans les décors de quatre clavecins somptueux : littéralement, ils vous mettent les scénettes sous les yeux, peignent en couleurs cet univers à la Chardin où le détail est tout.

La manière tendre de la claveciniste réjouira plus les amateurs du Couperin d’Olivier Baumont que ceux de celui de Blandine Verlet ; Carole Cerasi soigne plus la forme, scrute l’écriture, sonde l’harmonie souvent audacieuse autant que les mélodies troublantes.

Sommet de cette somme parfaite qui remet à jour la discographie – en attendant de pouvoir entendre l’intégrale que Davitt Moroney vient d’achever – un Deuxième Livre d’anthologie : Couperin libéré du regard sévère de Louis XIV y aiguisait sa plume, son imagination s’y débridait, ouvrant à l’instrument de nouvelles licences poétiques et à son art de nouveaux horizons : il faut entendre les éclats de La Triomphante, spectaculaire, mais aussi et surtout peut-être la nostalgie infinie de La Mézangère.

Tout au long des dix disques, le charme ne se rompt jamais, et atteint à une dimension supplémentaire dans les équilibres parfaits, la langue solaire du Troisième Livre. Les ombres du Quatrième Livre, ses nostalgies à peine voilées, peuvent paraître, elles sonnent avec une liberté de phrasés, un sens des proportions, une puissance poétique que Scott Ross avait jadis trouvés par éclipses.

Au moment de refermer cette boîte impeccable me parvient un autre disque de Carole Cerasi, celui qu’elle consacra il y a vingt ans à l’intégrale des Suites d’Elisabeth Jacquet de la Guerre : le grand geste dramatique, l’âpreté d’une écriture sévère et fulgurante, la clarté de ses conceptions font encore une fois mouche sur le magnifique Ruckers de 1636, celui-là même qu’elle joue tout au long du Premier Livre de son intégrale François Couperin.

LE DISQUE DU JOUR

François Couperin (1668-1733)
L’œuvre pour clavecin (Intégrale)

Carole Cerasi, clavecin

Un coffret de 10 CD du label Metronome METCD1100
Acheter l’album sur le site du label Metronome, sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter les albums en haute-définition sur la page du label Metronome sur Qobuz.com

Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729)
L’œuvre pour clavecin (Intégrale)

Carole Cerasi, clavecin

Un album du label Metronome METCD 1026
Acheter l’album sur le site du label Metronome, sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : La claveciniste Carole Cerasi – Photo : © DR

L’art du discours

Le Couperin d’Olivier Fortin ne sera pas celui de tout un chacun. Adieu le faiseur de portraits, le pastelliste des sentiments, vous qui entrez ici, oubliez la Carte du Tendre. D’abord, l’instrument le commande : le fameux « faux » Nicholas Lefebvre inventé de toute pièces en 1984 est une splendeur, mais sévère, et qui joue hautain de timbres, de tons, d’accents. Continuer la lecture de L’art du discours