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Simplicité

Ce n’est pas la première fois que François Chaplin, si justement fêté dans Debussy, vient au piano viennois. Ses Impromptus de Schubert, subtilement intranquilles, montraient déjà une adéquation avec cette langue si singulière. Le voici au début de ce que j’espère un parcours Mozart, avec deux grands concertos dont la discographie est pléthorique, et un orchestre modeste mais si justement accordé à son propos : la simplicité de son geste, une sorte de pureté sans raideur s’y reflètent dans ce que tout concerto de Mozart est d’abord : une grande musique de chambre.

Adieux donc les accents pathétiques, les grands gestes qui voudraient faire croire que Beethoven s’était glissé à priori et contre toute chronologie, chez Mozart pour les concertos en vingt, le discours du sensible, et une certaine tendresse qu’on trouvait jadis chez Lili Kraus et chez Ingrid Haebler dans ces deux mêmes opus, règlent tout, enveloppent tout dans une pudeur qui commande des tempos jamais étales : le célèbre Adagio du la majeur ne dissout rien, mais chante très allant pour que sa peine soit plus irrépressible justement à force de pudeur : la petite musette consolatrice des bois peut paraître alors, si logique, si désarmante, comme si un ensemble de Cosi fan tutte venait là soudain.

Pour le la majeur, la cause est gagnée, mais figurez-vous que pour l’ut mineur aussi. Débarrassé de ses références à Don Giovanni, dés-assombri, François Chaplin y traque avec des discrétions de poète toutes les demi-teintes, les repentirs, les hésitations que tant de pianistes auront raidis en déclamant, se prenant eux aussi pour l’orchestre du tutti qui ouvre l’Allegro.

Hors, François Chaplin rentre piano et interroge comme peu l’auront fait, sans rien alourdir. Tout du long, cet art de la suggestion change drastiquement le visage de l’œuvre, comme jadis le fit en concert plus qu’en ses disques Murray Perahia. Cette manière de jouer dans le retrait du son, de laisser tout suggérer, de ne rien souligner, Cédric Tiberghien la possède aussi, il viendra probablement aux concertos un jour, mais c’est François Chaplin qui dans nos pianistes français aura le premier tenté cette réappropriation par le tendre, cette éclaircie par le sensible, vertus éminemment mozartiennes qu’on ne voulait plus voir, surtout plus faire entendre.

Ah, autre chose : écoutez la cadence de l’Allegro de l’ut mineur, de la main du pianiste. Elle fera flores.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 23 en la majeur, KV 488
Concerto pour piano et orchestre No. 24 en ut mineur, KV 491

François Chaplin, piano
Orchestre Victor Hugo Franche-Comté
Jean-François Verdier, direction

Un album du label Aparté AP160
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Photo à la une : © Caroline Doutre

Doublé d’ombres

À soixante-six ans, Jorge Federico Osorio aurait-il atteint ce détachement qui fait les tout grands pianistes ? Non qu’il ne fut jusque-là un musicien remarquable, chez lui chez Beethoven comme chez Ponce, maîtrisant les pages les plus sombres du Concerto pour la main gauche de Ravel comme la virtuosité sarcastique du Premier Concerto de Prokofiev. Continuer la lecture de Doublé d’ombres

Le piano de la Pologne

Après avoir réédité les enregistrements européens de Paderewski, voici qu’APR publie in extenso les gravures américaines consenties à Victor entre 1914 et 1931, ensemble fascinant qui permet de saisir une autre face de l’artiste.

Si, à Londres, Paderewski surveillait son style, épuisé par Fred W. Gaisberg Continuer la lecture de Le piano de la Pologne