Le peu que Debussy pianiste nous aura laissé – rouleaux de piano mécanique ou enregistrements – dit assez sur l’onirisme et la sensualité de son toucher, comme la relative liberté qu’il prenait Continuer la lecture de Le magicien parle
Archives par mot-clé : Claude Debussy
Musiques blanches
Disque surprenant. En faisant voisiner Claude Debussy et Erik Satie, Fazil Say voulait-il inféoder le premier au second ? Ses Gnossiennes, admirables par le presque rien des harmonies altérées, sont troublantes au possible, et cherchent non pas l’abstraction d’une ligne simple et pure Continuer la lecture de Musiques blanches
Jeux
Depuis sa création le 15 mai 1913, au Théâtre des Champs-Elysées sous la baguette de Pierre Monteux, Jeux effrayait les orchestres, mais aussi les chefs. Debussy y avait écrit tout un nouveau monde de sons et de rythmes qui allaient plus loin encore dans l’abstraction lyrique que ne l’avait fait la simple complexification métrique du Sacre du printemps.
Comme aimait à le rappeler Pierre Boulez, Jeux est l’alpha de l’orchestre moderne. Monteux lui-même l’aura dompté pour le ballet – deux lectures en concert témoignent de sa mise en place au cordeau – mais ce seront les chefs d’orchestre dévolus à la musique de leur temps, Bruno Maderna puis Pierre Boulez qui en saisiront toute l’importance historique, précédés au disque par deux pionniers : Victor de Sabata, lui-même compositeur, et Ernest Ansermet.
Octobre 1953, Victoria Hall, Gil Went et Roy Wallace règlent leurs micros pour saisir ce qui deviendra la version la plus parfaite du chef-d’œuvre de Debussy enregistrée alors. Si Ansermet se souvient du ballet – ses tempos sont ceux des danseurs – il fait entendre avec une impérieuse sensualité chaque repli harmonique de cette langue si neuve, pliant, dépliant, froissant, défroissant son orchestre qui semble un grand félin dans la nuit.
Cette poésie gorgée de timbres où danse encore le souvenir du faune languide, si sensuel, torride comme une nuit d’été, vous enveloppe littéralement d’une symphonie de sons. Abstrait et érotique pourtant. Ansermet refera d’autres Jeux tout aussi réussis (et peut-être plus fluides, de mouvements moins détaillés, ici on voit les beaux muscles), je vous en ai causé il n’y a pas si longtemps, mais il faut connaître ceux-ci, enregistrés pour faire exemple, et qui sont pourtant la vie même.
L’éditeur ajoute la version la moins connue de La Mer (octobre 1957) selon le chef helvète, un rien plus sombre que les trois autres moutures, et passe aux séances parisiennes dévolues à Paul Dukas : L’Apprenti sorcier narré comme un tranquille cauchemar, mais surtout et pour la première fois rééditée en stéréophonie, La Péri (sans sa Fanfare), torpide, sensualiste, emperlée, toute en diaprures, un Orient de sons qui tourne immanquablement la tête. Ernest Ansermet était décidément bien plus que l’esprit cartésien auquel certains veulent le réduire.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
La Mer, L. 111(enr. 1957)
Jeux, L. 133 (enr. 1953)
Paul Dukas (1732-1809)
La Péri
L’Apprenti sorcier
L’Orchestre de la Suisse Romande, mezzo-soprano
Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire
Ernest Ansermet, direction
Un album du label Decca 4824975 (Collection « Eloquence Australia »)
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Photo à la une : Le chef d’orchestre Ernest Ansermet – Photo : © OSR
Esprit français
Dans cet immédiat après-guerre où la gravure directe sur 78 tours régnait encore, Ernest Ansermet céda à la proposition de Decca : graver avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire les œuvres de Claude Debussy et de Maurice Ravel. Le projet fit long feu et se déporta de Paris à Genève, la saga des albums de l’Orchestre de la Suisse Romande et de son « patron » pouvait commencer. Continuer la lecture de Esprit français
Je te voyais ailleurs
J’ai encore le souvenir si troublant des sortilèges de la mort de Mélisande comme les distillaient Bernard Haitink et l’Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Elysées, immense version Continuer la lecture de Je te voyais ailleurs