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Théâtre de poche

Les cantates de Clérambault, ces vastes scènes d’opéra où un personnage s’interroge et se décrit, constituent l’apogée du genre, comment se fait-il qu’elles furent si peu enregistrées, et, sinon par l’album historique de Rachel Yakar (Médée, Orphée) si peu gâtée ?

Mais voici que dans son français historiquement informé, dans sa voix de miel et de feu, Reinoud van Mechelen console mes déceptions en gravant quatre cantates qu’il anime avec une pointe de génie : commencez par l’irrésistible portrait psychologique qui secoue Le jaloux, où il est formidable d’humour et de fureur, abandonnant la vocalité noble dont il paraît avec tant d’art son Apollon.

Pourtant, c’est dans le chef-d’œuvre de l’ensemble, Pyrame et Thisbé que sa voix trouve les accents les plus bouleversants ; quelle merveille, cette cantate !, où Clérambault, travaillant sur un sujet rebattu, écrit une véritable tragédie lyrique de poche dont la variété des sentiments inspire à Reinoud van Mechelen une palette expressive que le petit orchestre d’A Nocte Temporis paysage avec poésie.

Disque merveilleux, j’espère un second volume : les cantates de Clérambault ont trouvé leur oracle.

LE DISQUE DU JOUR

Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749)
Apollon, cantatte sur la paix (Livre III)
Le Jaloux, cantate IIe (Livre I)
L’amour, guéri par l’amour, cantatte Iere (Livre IV)
Pyrame et Thisbé, cantate IVe (Livre II)

Reinoud van Mechelen, ténor
A Nocte Temporis

Un album du label Alpha Classics ALPHA356
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Photo à la une : © Senne Van der Ven

Persévérance

Un premier album Beethoven, sur un très beau Clarke d’après Fritz, essentiellement de variations – avec pour objet central une lecture épique des Eroica – avait suffi pour comprendre que Beethoven serait le compositeur d’élection d’Olga Pashchenko. Un second disque avec trois grandes sonates le confirme.

Photo : © Yat Ho Tsang

Comme dans le premier volume, l’instrument dicte sa loi, et d’abord les tempos, prestes, rageurs d’articulations, d’accents, qui exaltent la veine improvisatrice de tout ce que Beethoven aura écrit pour le clavier, et produisant parfois des effets saisissants comme ces glissandos à la coda de la Waldstein. Olga Pashchenko est de bout en bout magnifique, ardente elle se brûle aux textes comme à l’instrument qui lui offre non seulement des couleurs insensées, mais aussi tout un vocabulaire expressif qu’elle emploie à plein dans une Appassionata ombreuse, puissante et pourtant suggestive, le clou de son disque car elle en respecte le caractère narratif, les apartés théâtrales, le discours complexe.

Sa Waldstein emportée, brillante, cravachée, se distingue d’abord par ce que l’instrument peut lui offrir, alors qu’elle doit chercher au plus profond d’elle-même les émotions qu’elle parvient à tirer de ce clavier parfois rétif pour les tableaux narratifs des Adieux, qu’elle joue avec une tension qui m’a rappelé le discours brisé, plein d’interrogations qu’y mettait Rudolf Serkin, du moins dans « Les Adieux » et « L’Absence », car pour « Le Retour », ce piano qui piaffe est d’une insolence, d’une vigueur que le Graf peine parfois à rendre, un rien étouffé par la poigne de cette main qui pourtant tente de s’alléger.

Second volume d’une série passionnante, amenée à se prolonger sur d’autres instruments je l’espère.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 21 en ut majeur, Op. 53
« Waldstein »

Sonate pour piano No. 23 en fa mineur, Op. 57
« Appassionata »

Sonate pour piano No. 26 en mi bémol majeur, Op. 81a
« Les Adieux »

Olga Pashchenko, pianoforte (Conrad Graf, Vienne, 1824)

Un album du label Alpha Classics 365
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Photo à la une : © DR