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L’autre héritage
Voici six ans Eloquence regroupait tous les Fontana de Karel Ančerl. Les sessions viennoises de 1958 et 1959, avec des Wiener Symphoniker dont il métamorphose la sonorité d’ensemble, sont passées aux oubliettes face à la légendaire série de ses gravures avec la Philharmonie Tchèque pour Supraphon. Injustice qu’augmente encore la modestie du legs, alors même qu’il comble une lacune à son répertoire discographique.
Sujet principal, Tchaikovski. Une fulgurante Quatrième Symphonie, dessinée dans ses moindres détails, suffirait à commander l’achat de l’ensemble où seule l’Ouverture « 1812 » doublonne avec les gravures pragoises. Mais une fabuleuse Suite de Casse-noisette, qui montre tout un fascinant théâtre mécanique, un Roméo et Juliette courant à l’album, la Suite de La Belle au bois dormant au vrai ton de conte, sinon des pages du Lac des cygnes amoindries par un premier violon asthmatique sont autant marquées au sceau de sa direction électrique, sculptées par sa pointe sèche implacable.
Une Nouveau monde ténébreuse, des Danses slaves (tout l’Opus 46) cambrées complètent cette trop brève échappée-belle viennoise, Cyrus Meher-Homji ayant eu la bonne idée de respecter le couplage original du microsillon Fontana où Tibor Paul et les Wiener Symphoniker épiçaient d’une bonne dose de paprika huit Danses hongroises de Brahms.
Le sommet est pourtant ailleurs, parmi l’encore plus brève collaboration avec l’étiquette jaune. Historique par sa noirceur entre sarcasme et désespoir, la 10e Symphonie de Chostakovitch, enregistrée avec la Philharmonie Tchèque à la Herkulessaal de la Résidence de Munich en octobre 1955, comme son unique enregistrement avec les Berliner Philharmoniker, le Concerto pour violon d’Igor Stravinski que je vantais récemment à l’occasion de la parution de l’édition Schneiderhan (voir ici) cèdent le pas devant le Requiem de Dvořák enregistré au Rudolfinum durant l’hiver 1959 : lecture étreignante entre glace et émotion. La rencontre d’un quatuor de solistes très Deutsche Grammophon (Maria Stader, Sieglinde Wagner, Ernst Haefliger, Kim Borg) avec les forces de Prague ajoute une dimension expressionniste, une noirceur qu’arde Karel Ančerl – simplement l’un de ses plus grands disques.
LE DISQUE DU JOUR
Karel Ančerl Edition
Complete Recordings on Philips and Deutsche Grammophon
CD 1
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Le Lac des cygnes – Suite, Op. 20a, TH 219 (version A, Nos. 1 à 5)
La Belle au bois dormant – Suite, Op. 66a, TH 234
CD 2
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Casse-noisette – Suite, Op. 71a, TH 35
Sérénade pour cordes en ut majeur, Op. 48, TH 48 (extrait : II. Valse)
Roméo et Juliette, ouverture-fantaisie, TH 42
em>Marche slave, Op. 31
CD 3
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Ouverture « 1812 », Op. 49, TH 49
Symphonie No. 4 en fa mineur, Op. 36, TH 27
CD 4
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178 « Du nouveau Monde »
Bedřich Smetana (1824-1884)
Vltava (La Moldau), JB 1:112/2
CD 5
Antonín Dvořák (1841-1904)
8 Danses slaves, 1ère série, Op. 46, B. 83
Johannes Brahms (1833-1897)
Danses hongroises, WoO 1 (7 extraits : Nos. 1-3, 5-7, 10)*
*Tibor Paul, direction
CDs 6-7
Antonín Dvořák (1841-1904)
Requiem, Op. 89, B. 165
Maria Stader, soprano – Sieglinde Wagner, contralto – Ernest Haefliger, ténor – Kim Borg, basse – Choeur Tchèque de Prague
CD 8
Igor Stravinsky (1882-1971)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, K 075
Wolfgang Schneiderhan, violon
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour violon et piano No. 2 en ré majeur, Op. 94bis
Wolfgang Schneiderhan, violon – Carl Seeman, piano
CD 9
Dmitri Chostakovitch (1841-1904)
Symphonie No. 10 en mi mineur, Op. 93
Wiener Symphoniker (CDs 1-5)
Orchestre Philharmonique Tchèque (CDs 6-7, 9)
Berliner Philharmoniker (CD 8)
Karel Ančerl, direction (sauf Brahms, CD 5)
Un coffret de 9 CD du label Decca 4843778 (Collection Eloquence Australia)
Acheter l’album sur le site de la collection Eloquence, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-d finition sur Qobuz.com
Photo à la une : le chef d’orchestre Karel Ančerl – Photo : © DR
Révolution Mozart
Les années 1980 ronronnaient au chapitre Mozart, puis tout fut changé soudain. Nikolaus Harnoncourt étendait son domaine de lutte au classicisme viennois, Haydn, mais surtout Mozart et avec un orchestre inattendu : le Concertgebouw. Continuer la lecture de Révolution Mozart
Folklore imaginé
La déploration avec orage qui ouvre les Cinq Chants populaires hongrois, habillé d’un orchestre atmosphérique et sombre, reste une des plus saisissantes page du catalogue vocal de Béla Bartók. Qui lui donna une telle intensité ? Julia Hamari, dont le chant angoissé de Magdalena Kožená semble se souvenir. Son mezzo plus leste saisira avec tout le piment nécessaire la troisième chanson, dans le luxe de timbres et de piques que Sir Simon Rattle tire des Pragois. Magnifique !, car son geste est intimement accordé à l’art de son épouse, qui sait dire autant que chanter.
La haute fantaisie qu’elle met au cycle de Berio où son art polyglotte n’a rien à envier à celui de Cathy Berberian en magnifie les adaptations infiniment savantes, son art évocateur culminant dans la chanson à la lune arménienne, cette façon d’empoigner le texte et d’étendre du même geste la ligne vocale… mais écoutez l’humour mordant, le timbre fier, la langue pimentée dont elle pare la fabuleuse Chanson d’adresse azerbaïdjanaise, sur le tambourin si caucasien que lui font les Tchèques.
Les Chansons grecques de Ravel sont divines de fantaisie, d’humour, de poésie et dans un si beau français !, avec toutes les épices d’un orchestre dont l’imaginaire se surpasse au long des exotiques Chansons nègres de Montsalvatge : ce charme, cet esprit, je ne les avais plus retrouvés ici depuis l’enregistrement de Victoria de los Ángeles.
Et si de Prague ils nous donnaient, pour poursuivre dans les merveilles de ce folklore imaginaire, tous les Chants d’Auvergne de Canteloube ? Magdalena Kožená m’a tenté avec ceux inclus dans le cycle de Berio : l’ambre du timbre, les mots si justes, la voix si flexible, tout la désigne pour être au disque la nouvelle interprète de ces merveilles.
LE DISQUE DU JOUR
Béla Bartók (1881-1945)
Cinq chants populaires
hongrois, Sz. 101, BB 108
Luciano Berio (1925-2003)
Folk Songs
Maurice Ravel (1875-1937)
Cinq mélodies populaires grecques, M.A 9, 10, 4, 5, 11
Xavier Montsalvatge (1912-2002)
5 Canciones negras
Magdalena Kožená, mezzo-soprano
Orchestre Philharmonique Tchèque
Sir Simon Rattle, direction
Un album du label Pentatone PTC5187075
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Photo à la une : la mezzo-soprano Magdalena Kožená –
Photo : © Julia Wesely
Solaire
À un peu moins de deux années de distance, William Christie et ses Arts Florissants offraient aux mélomanes de la Cité de la Musique de Paris deux concerts dédiés à ce qui forme ici le premier volume d’une intégrale des Symphonies « Parisiennes » de Haydn. Continuer la lecture de Solaire