Archives par mot-clé : Alessandro de Marchi

L’autre Silla

Singulier Silla ! Un monarque éclairé écrivant un livret sur un dictateur romain, qui pouvait l’oser sinon Frédéric II ? Le souverain, qui s’était lié d’une amitié pas toujours sans ombre avec le musicien, n’ira pas jusqu’à écrire chaque mot, d’ailleurs Graun voulait un opéra tout italien, de musique et de verbe. Frédéric II, comme à son habitude, écrira donc en français, charge au librettiste de la cour, Giovanni Pietro Tagliazucchi, de le traduire et de l’augmenter dans la langue du Dante.

En 1753, Graun en était à son vingtième opéra, et avait atteint la pleine maturité de son art, orchestrations brillantes qui rappellent le théâtre vénitien, génie mélodique qui pourra soutenir la comparaison avec celui de Haendel, écriture virtuose aux pyrotechnies éblouissantes pour satisfaire la brillante assemblée de castrats en troupe à l’Opéra de Berlin, surtout une intensité dramatique qui ne laisse pas une minute de repos au spectateur comme à l’auditeur. Ce Silla venu dix-neuf ans avant celui du jeune Mozart est un vrai drame en musique qui bouscule les canons de l’opera seria.

Succès absolu chez le public des représentations comme chez les connaisseurs : Frédéric II, qui confessait préférer souvent les opéras de Hasse à ceux de Graun, rendit les armes. Ce bouillonnant Silla était bien un chef-d’œuvre que le Festival d’Innsbruck a bien eu raison de ressusciter. Il s’en est d’ailleurs donné les moyens, assemblant une distribution fabuleuse, dominée par le Silla de Bejun Mehta (écoutez son air à la fin de l’Acte I, cet art si prégnant ne s’oublie pas). Face à lui, aucun ne démérite, du Metello de Valer Sabadus, au Postumio du jeune Samuel Mariño, incroyable sopraniste.

Paradoxe, si les falsettistes triomphent des écritures fastueuses que leur aura destinées Graun, le soprano de Roberta Invernizzi souffre un peu face à la tessiture élevée de Fulvia, seul bémol de ce brillant revival qu’Alessandro de Marchi anime avec feu et lyrisme. Puisse une aussi brillante bande poursuivre chez Graun, et oser aussi regarder du coté de Hasse.

LE DISQUE DU JOUR

Carl Heinrich Graun
(1704-1759)
Silla

Bejun Mehta, contre-ténor (Silla)
Valer Sabadus, contre-ténor (Metello)
Hagen Matzeit, contre-
ténor (Lentulo)
Samuel Mariño, contre-ténor (Postumio)
Eleonora Bellocci, soprano (Octavie)
Roberta Invernizzi, soprano (Fulvia)
Mert Süngu, ténor (Crisogono)

Coro Maghini
Innsbrucker Festwochenorchester
Alessandro De Marchi, direction

Un coffret de 3 CD du label CPO 555586-2
Acheter l’album sur le site du label www.jpc.de, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-d finition sur Presto Music

Photo à la une : © DR

L’Autre Cavalli

Mort à quarante-six ans, laissant son aîné Francesco Cavalli lui survivre sept années, Pietro Antonio Cesti fut l’autre génie de l’Opéra Vénitien du XVIIe siècle. On le releva de ses vœux à l’occasion de ses trente-six ans, alors qu’il était déjà devenu un Continuer la lecture de L’Autre Cavalli

L’autre Clémence

Wiener Hoftheaters, 1804 : on reprend La Clemenza di Tito, ultime opéra de Mozart, mais pour donner plus de piment et suivant d’ailleurs les us de l’époque, on y ajoute des airs brossés pour l’occasion par Joseph Weigl – celui pour Tito à l’Acte I est une merveille – ou Johann Simon Mayr lui-même.

Loin de paraître incongrus, ces ajouts et quelques réécritures à la marge s’intègrent autant à la trame du livret qu’à celle de l’opéra, mais tout cela ne serait qu’une découverte mineure si l’interprétation enlevée d’un geste preste par Alessandro de Marchi et son Academia Montis Regalis n’en était si brillante.

Magnifique de ligne et d’élan, le Tito de Carlo Allemano, en grande voix. De caractère inextinguible, la Vitellia de Nina Bernsteiner s’avère une sacrée découverte. Magnifique d’expressivité et de pur belcanto, le Sesto de Kate Aldrich enchante, pour ne rien écrire des autres qui forment tous une équipe de chant que la scène transporte.

Si bien que cette Clemenza inattendue, particulière, prend place dans ma discothèque auprès des versions historiques d’un ouvrage qui a souvent connu l’excellence au disque. Les quelques photos du spectacle affichées dans le livret ne font guère regretter qu’on n’en ait que le son.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
La Clemenza di Tito, K. 621

Carlo Allemano, ténor (Tito Vespesiano)
Nina Bernsteiner, soprano (Vittelia)
Kate Aldrich, mezzo-soprano (Sesto)
Ann-Beth Solvang, mezzo-soprano (Annio)
Dana Marbach, soprano (Servilia)
Marcell Bakonyi, baryton (Publio)

Chor und Orchester der Academia Montis Regalis
Alessandro de Marchi, direction

Un album de 2 CD du label CPO 777870-2
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : © DR