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Neeme Järvi et la France

Comme celui de Gennadi Rozhdestvensky, le répertoire de Neeme Järvi semble infini, et souvent en rapport avec les phalanges symphoniques dont il aura tenu en main les destinées.

L’Orchestre de la Suisse Romande lui aura inspiré quelques-uns des plus beaux albums de son abondante discographie, l’invitant à se pencher sur les compositeurs français qu’il avait délaissés depuis ses années de Detroit, où, conscient de l’héritage laissé par Paul Paray, Roussel et Ravel lui avaient inspiré de stupéfiants albums demeuré méconnus. Cette Troisième Symphonie alerte et fauviste, ce Daphnis orgiaque, comment pourrait-on les oublier ?

J’ai eu envie de le réentendre avant de mettre dans la platine ses deux nouveaux albums, l’un consacré à Saint-Saëns gravé avec l’Orchestre Philharmonique de Bergen, l’autre à Jacques Ibert, cette fois-ci avec L’Orchestre de la Suisse Romande.

Le doublé des Concertos pour violoncelle sous l’archet ample de Truls Mørk fait entendre un Saint-Saëns enfin débarrassé de toute référence néo-classique. Deux grands concertos d’un romantisme avoué, mais joués sans jamais rien alourdir, où tout l’orchestre entre dans le chant du soliste, immense musique de chambre subtilement dosée, tout comme un Carnaval des animaux plus poétique que descriptif où les claviers de Louis Lortie et d’Hélène Mercier caracolent puis rêvent. Louis Lortie et Neeme Järvi ajoutent deux brèves partitions de fantaisie, le Wedding-Cake pince-sans-rire, et la tumultueuse Africa. Et si demain, ils nous faisaient tous les Concertos ? Quel Égyptien en perspective.

L’album Ibert est plus irrésistible encore, l’égal de ceux jadis gravés par Jean Martinon à Paris et Louis Frémaux à Birmingham pour EMI et recoupant les programmes de l’un comme de l’autre. Il faut entendre comment Neeme Järvi, sans jamais infléchir le mouvement, fait passer l’Ouverture de fête de l’ombre à la lumière, avec quel sens des variations de couleurs il détaille les Escales, de quelle verve il pare le Divertissement « Paris », ou la Bacchanale, rendant justice à l’art d’orchestrer d’un compositeur majeur du XXe siècle français, ajoutant des pages rarissimes comme la Sarabande pour Dulcinée, le subtil Féerique, ou l’Hommage à Mozart.

Disque magique, et qui veut une suite : Tropismes pour des amours imaginaires, la Symphonie marine, le Louisville-Concert, Les Amours de Jupiter, la Symphonie concertante, Rencontres, les Concertos, les musiques de scènes, les ballets attendent de briller sous de tels feux.

LE DISQUE DU JOUR

cover saint saens jarvi chandosCamille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle No. 1 en la mineur, Op. 33
Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur, Op. 119
Le Carnaval des animaux
Caprice-Valse, « Wedding- cake »
Africa

Truls Mørk, violoncelle
Louis Lortie, piano
Hélène Mercier, piano
Orchestre Symphonique de Bergen
Neeme Järvi, direction

Un album du label Chandos CHSA5162
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cover chandos ibert jarviJacques Ibert (1890-1962)
Escales
Sarabande pour Dulcinée (extraite de « Don Quichotte »)
Ouverture de fête
Féerique
Divertissement pour orchestre de chambre
Hommage à Mozart
Suite symphonique, « Paris »
Bacchanale

L’ Orchestre de la Suisse Romande
Neeme Järvi, direction

Un album du label CHSA 5168
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Photo à la une : © Simon van Boxtel

Voyage Brahms

Le piano de Brahms, tour à tour symphonie ou lied, séduit les pianistes ces temps-ci : Barry Douglas s’y réinvente, Geoffroy Couteau s’y tente, François-Frédéric Guy, après s’être trouvé dans Beethoven, y accomplirait-il une nouvelle étape de son art en lançant son intégrale avec les trois météores que sont les Sonates ? Continuer la lecture de Voyage Brahms

Deux pianos dansent

Coda de la première partie du Sacre : la transe de la Danse de la Terre saisit les claviers de Jean-Efflam Bavouzet et de François-Frédéric Guy. Ils respectent à la lettre l’indication de Stravinski : « prestissimo ». C’est l’affolement du rythme, et à les écouter, le souffle vous manquera. Continuer la lecture de Deux pianos dansent

Psaume Sphinx

Et si Niccolo Castiglioni était le secret le mieux gardé de la musique moderne italienne avec Bruno Maderna ? Comme Maderna, il flirta avec Darmstadt, et comme lui, et au contraire de Nono et de son compatriote milanais Manzoni, il considéra le dogmatisme prôné par Boulez et Stockhausen avec une sorte d’indifférence bienveillante. Continuer la lecture de Psaume Sphinx