L’esprit de Lotte

La Vénus (noire) de Bayreuth, l’Eboli de Londres, une Lady Macbeth révolutionnaire, la Carmen de Karajan, Grace Bumbry ressuscitait au long des années soixante le mythe de Falcon en ayant la voix du Bon Dieu, longue, soyeuse, diseuse, cette merveille absolue de l’opéra.

Mais on oublie trop que, jeune fille, elle alla apprendre ses Lieder chez Lotte Lehmann, dire un texte en le chantant, mieux, savoir les secrets et d’une langue et d’un art venus de l’autre côté de la guerre. Voilà pourquoi Dietrich Fischer-Dieskau rappelait à quel point Grace Bumbry fut une grande liedersängerin, et en particulier chez elle chez Brahms où son timbre profond mais ductile se coulait naturellement dans la veine mélodique de l’auteur de la Rhapsodie.

Si l’on n’a hélas pas son Voyage dans le Harz, du moins la publication de cette soirée du 28 juillet 1965 à Salzbourg corrobore le jugement éclairé de Fischer-Dieskau : c’est un pur prodige que seules avant elle auront pu réussir Christa Ludwig et après elle Jessye Norman.

Concert tout à la fois spectaculaire et intime où les mots s’incarnent et dont la musicalité tenue s’exalte dans une Sapphische Ode toute aux pianissimi d’une voix dont les timbres semblent inépuisables, merveille que je ne veux plus quitter. Allez, encore une fois cette Ode, et Feldeinsamkeit.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)
20 Lieder

Grace Bumbry, mezzo-soprano
Beaumont Glass, piano

Un album du label Orfeo C941171B
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Photo à la une : © Deutsche Grammophon