Le violoncelle chante

Bohuslav Martinů écrivait pour les instruments à cordes comme pour des chanteurs, et particulièrement pour le violoncelle dont il magnifia les timbres dans son Second Concerto de 1945, frère jumeau de la géniale 4e Symphonie, vaste ballade lyrique dans ses deux premiers mouvements que vient faire danser un final somptueux. Las ! l’ouvrage resta sous le boisseau, puis fut éclipsé par la troisième mouture avec grand orchestre que Martinů réalisa à la demande de Pierre Fournier qui en donna la première audition en 1955.

Injustice réparée tardivement par Saša Večtomov qui le créa enfin le 25 mai 1965 puis l’enregistra pour Supraphon. C’est probablement avec Incantation (nom du Concerto pour piano No. 4) le chef-d’œuvre concertant de son auteur, et enfin j’y entends un violoncelliste qui se hausse au degré de lyrisme atteint par son créateur.

L’archet semble infini, comme la richesse des registres, les phrasés effusifs portent dans l’espace de l’orchestre ce chant têtu qui me bouleverse par ses accents panthéistes, et comme le Finale s’élance sur les pointes ! Merveille qui semble nier les sarcasmes, les désolations, le ton amer du Deuxième Concerto de Dmitri Chostakovitch, une de ses partitions les plus radicales, si exigeante pour le soliste. Christian Poltéra s’en empare avec une rage contenue, l’opposé absolu du grand geste démiurgique qu’y imposait Mstislav Rostropovitch. Passionnant.

Pour le Premier Concerto de Martinů, gravé ici comme le plus souvent dans sa version définitive, il faut une vitalité extrême malgré les noirceurs de l’œuvre, un archet assez puissant pour en sculpter les phrasés. Visiblement, Christian Poltéra a entendu l’enregistrement de Pierre Fournier et de Wolfgang Sawallisch, capté en concert à la RSR, leurs phrasés sont si proches, et ce ton automnal qui les emporte tout deux va droit au cœur de l’œuvre.

Autre merveille de ce premier album Martinů, le Concerto de Dvořák qui l’ouvre, où Christian Poltéra préfère au geste épique un continuo lyrique d’autant plus étreignant que l’orchestre de Thomas Dausgaard le suit à la lettre.

Et maintenant le Concertino et la Sonata da camera !

LE DISQUE DU JOUR

Bohuslav Martinů (1890-1959)
Concerto pour violoncelle
No. 2, H. 304

Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour violoncelle
No. 2 en sol majeur, Op. 126

Christian Poltéra, violoncelle
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Gilbert Varga, direction

Un album SACD du label BIS 2157
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Bohuslav Martinů
Concerto pour violoncelle
No. 1, H. 196 (version 1955)

Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle
No. 2 en si mineur, Op. 104,
B. 191

Christian Poltéra
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Thomas Dausgaard, direction

Un album SACD du label BIS 2257
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Photo à la une : © DR