La symphonie de Daphnis

Un ballet ? Pas pour Gustavo Gimeno qui entend Daphnis et Chloé comme le chef-d’œuvre d’orchestre de Ravel, et le dirige plutôt sombre, mettant le drame et même l’exultation de la danse générale finale dans des teintes somptueusement profondes. C’est l’antithèse du geste solaire de Pierre Monteux, mais dans cette manière de faire voir l’envers du décor, le génie de Ravel éclate plus encore.

Un poème d’orchestre donc, une symphonie narrative dont le geste tendu, les vertigineux arrêts sur image – la Danse suppliante de Chloé au hautbois si étrange –, la poétique subtile seraient in-dansables mais qui emmènent très loin dans le récit de Longus, et fait voir des personnages. C’est assez inédit, cela demande des écoutes répétées pour en saisir toute l’intense beauté qui jamais ne cède aux charmes, mais dit beaucoup sur l’art de ce jeune chef formé par Abbado : leurs Daphnis et Chloé respectifs se ressemblent assez.

En apostille, Gustavo Gimeno ajoute la pièce d’orchestre la plus expérimentale écrite par Ravel, son orchestration d’Une barque sur l’océan, dont les déferlantes, les creux de vagues, les menaces, les équilibres funambules travaillent eux aussi la matière sombre de la formation symphonique. Puis pour conclure, une Pavane pour une infante défunte modelée par une pudique émotion. J’aimerais bien une suite Ravel par l’Espagnol et sa phalange luxembourgeoise, si rompue au répertoire français.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, M. 57
Une barque sur l’océan, M. 43/3 (version orchestrale)
Pavane pour une infante défunte, M. 19 (version orchestrale)

Orchestre Philharmonique du Luxembourg
Gustavo Gimeno, direction

Un album du label Pentatone PTC5186652
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Photo à la une : © DR