Lignes et points

Le premier volume (lire la chronique ici) de l’intégrale m’avait esbaudi, avec ses angles, sa furia, ses persifflages, son piano marteau et son orchestre enclume. Quelque chose de radical, de cruel, tellement Prokofiev dans l’ardeur même des sonorités, dans la fusion parfaite entre le piano et la symphonie.

Au second volume, je dois déchanter, je m’y attendais d’ailleurs. Le pianisme percussif d’Olli Mustonen est bien en peine dans l’immense maelström du Deuxième ConcertoProkofiev pousse le démon romantique jusqu’au bout, l’épuise. Il y faut tout de même du lyrisme et une furia qui ne calcule rien, ne pèse rien, veut l’urgence du trait, et un grand son de piano. Mustonen tente bien d’imposer son ton, sa manière si singulière, Hannu Lintu fait tout pour l’épauler mais tranquillement l’œuvre ouragan les rejette sur le rivage. Incapables d’en saisir les lignes volcaniques, ils en sont en quelque sorte expulsés par eux-mêmes.

Et le redoutable Cinquième dont Richter ne faisait qu’une bouchée ? Mustonen y est plus à son aise pour le style, mais le texte en est redoutable, série de points, d’interjections, de jeux de rythmes que le pianiste respecte mais sans lui donner l’élan qui met tout en place, et d’abord la logique du mouvement. Paradoxe, il est plus à l’aise dans les récits et les arias du Larghetto que dans la Toccata ou le Finale. Mais du moins son 5e se tient, mieux !, s’accorde au projet qui lui avait inspiré le si brillant premier volume de cette intégrale boiteuse.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour piano No. 2 en sol mineur, Op. 16
Concerto pour piano No. 5 en sol majeur, Op. 55

Olli Mustonen, piano
Orchestre Symphonique de la Radio Finlandaise
Hannu Lintu, direction

Un album du label Ondine ODE1288-2
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Photo à la une : © DR/Ondine