Chant de l’amer

Ce n’était probablement pas un caprice : Jonas Kaufmann s’était déjà essayé à la poétique mahlérienne. Ses Kindertotenlieder avaient pourtant posé plus de questions que délivré de réponses, mais du moins leur drame s’incarnait.

Puisque ténor de notes, mais baryton de timbre il avait pu faire sien le cycle le plus sombre de Mahler, celui écrit le plus bas, il pouvait oser s’imaginer prendre et le ténor et le baryton du Chant de la Terre, un peu pour les mêmes raisons, mais à la fin cela se produisit au pire moment, où sa voix, restée jusque-là glorieuse, commença à céder, épuisée par les grands Verdi, par les véristes, avant même d’avoir chanté ce à quoi son timbre, sa nature l’auraient finalement destiné (même ne serait-ce qu’au studio, pour le disque) : Siegfried, Tristan surtout.

Des concerts sinistres se seront donc prolongés au disque. Dans le confort d’une prise de son assez flatteuse, j’entends pourtant la voix usée, appauvrie en harmonique dès qu’elle doit aller au piano, et derrière les phrases parfois exsangues, même le souffle qui manque, jusque dans les lieder de ténor.

C’est plus d’une fois tragique, et assez touchant, mais cela ne fait pas un Lied von der Erde, pas un Abschied surtout, où rien ne s’envolera dans ce timbre captif qui plafonne péniblement, grisaille fermée au nez, terrible combat perdu d’avance, mais mené, c’est du courage en soi et cela s’écoute même le cœur serré par ces impossibles Ewig, car derrière, autour, Jonathan Nott et les Viennois lui font le plus entêtant des nocturnes sécessionnistes.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde

Jonas Kaufmann, ténor, baryton
Wiener Philharmoniker
Jonathan Nott, direction

Un album du label CD Sony Classical 8985389832
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Photo à la une : © DR