Pocket Dido

Lorsque Dido and Aeneas parut devant le public londonien en 1770, il était enserré dans une adaptation de Measure for Measure de Shakespeare, les usages du temps plaçaient les « masques », ces semi-opéras, dans des représentations où le théâtre se mêlait de musiques. Mais quatre années plus tard, le chef-d’œuvre de Purcell fut associé dans une série de soirées purement lyriques avec un autre masque, Mars and Venus, texte de Peter Anthony Motteux, John Eccles et Gottfried Finger mêlant leurs plumes pour la musique.

C’est cette association que Fabrizio Bonizzoni et sa petite bande La Risonanza ressuscitent. L’effectif est modeste, comme celui que pouvaient accueillir les petits théâtre du Londres d’alors, le drame de Purcell n’y ouvre pas tout à fait ses ailes, d’autant que Raffaella Milanesi presse le lamento de sa Dido, se conformant au geste rapide par lequel le chef enlève tout : interdit de traîner, le théâtre doit régner, les sorcières y gagnent, les amants royaux y perdent, mais c’est un tout autre équilibre que Bonizzoni veut obtenir, et qui nous approche certainement de ce qu’aurait pu être dans l’esprit de Purcell le second visage d’un opéra d’abord conçu pour des jeunes filles. Quittant la Boarding School for Girls de Chelsea pour gagner le théâtre, l’aurait-il envisagé ainsi dans ce qu’était devenu alors la scène lyrique anglaise ? Il n’en sut jamais rien, la mort l’ayant pris fort tôt en 1695.

Quoi qu’il en soit, les charmes nombreux, la musique d’abord « pour plaire » du masque d’Eccles et Finger, simple guirlande de « songs » offre un contraste saisissant avec la trame roide, l’économie dramatique des trois actes de Purcell, et apporte soudain un éclairage saisissant qui sépare le chef-d’œuvre du simple divertissement.

La Risonanza, débarrassée du dangereux pathos purcellien, s’ébroue et jouit dans les fantaisies galantes des amours de Mars et Vénus, chez elle enfin, d’autant que Fabio Bonizzoni l’a en grande part reconstitué. Mais impossible de croire que l’opus d’Eccles et de Finger est exactement écrit la même année que celui de Purcell. Et pourtant si, soulignant à quel point Dido and Aeneas s’était débarrassé des conventions du temps pour d’emblée parler aux siècles suivants. Ce n’est pas un des moindres avantages de cette nouvelle version, modeste mais juste, captée en concert.

LE DISQUE DU JOUR

cover-purcell-dido-bonizzoni-challenge
Henry Purcell (1659-1695)
Dido and Æneas, Z. 626
John Eccles (1668-1735) / Gottfried Finger (1660-1730)
The Love of Mars and Venus

Raffaella Milanesi, soprano (Dido)
Richard Helm, baryton (Aeneas)
Stefanie True, soprano (Belinda)
Iason Marmaras, contre-ténor (Sorceress)
Michela Antenucci, soprano (First Witch, The Sailor)
Anna Bessi, mezzo-soprano (Second Witch, The Spirit)
Coro Costanzo Porta
La Risonanza
Fabio Bonizzoni, direction

Un album du label Challenge Classics CC72737
Acheter l’album sur le site du label Challenge Records, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : © Marco Borggreve