Tropisme nordique

Max Bruch sera passé à la postérité par ses Concertos pour violon et sa Fantaisie écossaise, tant aimés des virtuoses qui ne les ont jamais laissés quitter le concert, partie émergée d’une œuvre bien plus vaste que l’on découvre progressivement. Ses oratorios Odysseus et Arminius dévoilent un souffle épique, un art de l’illustration qui les rapprochent finalement plutôt de ceux de Schumann que de ceux de Mendelssohn, ses trois Symphonies sont puissamment individuelles, chantent leur propre musique dans le grand concert romantique allemand, tout cela est entendu.

Mais au fond, le vrai trésor de ce catalogue bien plus vaste qu’on le croyait reste sa musique de chambre. Comme partout ailleurs, le métier y est admirable, d’une perfection totale, mais dès le début du Premier Quatuor, une inspiration singulière, une signature sonore saisit : on est chez Bruch et chez aucun autre des compositeurs de l’Allemagne romantique, ce que les Goldner donnent à entendre immédiatement, en jouant large, avec tout le poids de l’archet.

Pas de meilleure version pour le Premier Quatuor, filé avec éloquence, on aurait aimé le Second, qui viendra probablement sur un deuxième volume, mais c’est le grand Quintette avec piano composé en 1886, œuvre complexe, aux humeurs volatiles, d’une densité d’écriture qui n’a rien à envier à celui de Brahms et offre au piano de Piers Lane l’occasion de déployer son art, car Bruch en fait l’âme de son œuvre : à lui la polyphonie expressive, aux cordes les décors.

Avec Dene Olding, le premier violon du Quatuor Goldner, il grave au centre du disque le cahier des Swedische Tänze, suite de miniatures calquées parfois sur des musiques populaires, parfois extrapolant un fastueux folklore imaginaire. Bruch aimait les pays du Nord, on trouvera ici quelques accents qui n’auraient pas déplu à Grieg, et une fois de plus cet art de faire chanter le violon qui séduisait tant Joseph Joachim. L’occasion d’un coup de chapeau au Quatuor Goldner, qui album après album, construisent un catalogue où, de Pierné à Bloch, de Harty à Taneyev, le rare le dispute aux merveilles.

LE DISQUE DU JOUR

cover bruch goldner lane hyperionMax Bruch (1838-1920)
Quatuor à cordes No. 1
en ut mineur, Op. 9

Danses suédoises,
pour violon et piano, Op. 63

Quintette pour piano
en sol mineur

Piers Lane, piano
Goldner String Quartet

Un album du label Hypérion CDA68120
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Photo à la une : © DR