Requiem laïc

Roger Norrington ose aujourd’hui une lecture d’Un Requiem allemand délivrée de toute mystique – sinon de toute spiritualité. Il sculpte son chœur comme une architecture, mais laïque, et donne à son orchestre une nudité expressive saisissante. Le chef-d’œuvre de Brahms, déserté par la foi, est-il encore une œuvre pour le Temple ?

Cette version a déconcerté la presse des deux cotés du Rhin. Stylistiquement, je n’y perçois que la suite logique d’un travail déjà commencé avec les quatre Symphonies : mise à plat du texte, ce qui permet de faire ressortir des éléments saillants gommés par la tradition – écoutez les syncopes des timbales durant « Herr, lehre doch mich » – recherche des couleurs originales (bien moins sombres qu’à l’accoutumée ici), phrasés pensés en fonction du sens du texte avant que de son habillage musical, tout cela fait déjà beaucoup.

Mais Norrington ne s’arrête pas à ces apparences, il a beau proposer sa syntaxe comme un viatique, l’objet de l’art singulier qu’il met à son Deutsches Requiem se trouve dans le sens. L’œuvre abandonne son caractère d’office pour devenir, comme en écho à la Rhapsodie pour contralto, chœur d’hommes et orchestre, une célébration panthéiste, conduisant de la nuit à la lumière. Littéralement, le printemps rayonne à partir de « Wie lieblich sind deine Wohnungen », la renaissance paraît, portée par la longue efflorescence vocale de la soprano dans « Ihr habt nun Traurigkeit » – le chant de Christina Landshamer me fait immédiatement penser à la manière effusive qu’y mettait Elisabeth Grümmer pour Rudolf Kempe à Berlin, ma version de chevet -, et l’ultime combat pour la lumière du baryton et des chœurs qui lui succède est plus un hymne qu’une lutte, aussi sculptée que soit la direction du chef.

Après tant de versions anonymes, celle-ci est signée, on peut refuser son propos, mais ne pas l’entendre ?

LE DISQUE DU JOUR

cover brahms requiem norrington
Johannes Brahms
(1756-1791)
Ein deutsches Requiem,
pour solistes, chœur
et orchestre, Op. 45

Christina Landshamer, soprano
Florian Boesch, baryton
SWR Vokalensemble Stuttgart
NDR Chor
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR
Sir Roger Norrington, direction

Un album du label Hännsler Classic CD93327
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Photo à la une : © DR