D’un Requiem l’autre

Mariss Jansons ouvre son Requiem de Verdi en phrasant du chœur, qualité apprise de son père Arvid Jansons, qui avait fait de cette messe à la mémoire de Manzoni une des ses œuvres favorites. Et quel chœur ! celui de la Radio Bavaroise, le meilleur du monde aujourd’hui.

Je crois n’avoir jamais entendu les Requiem aeternam dits avec cette suspension immatérielle, cette communion de toutes les voix qui restent pourtant identifiables. Admirable, d’autant que Mariss Jansons dirige l’œuvre avec une concentration et une retenue exemplaires : plus le Requiem de Verdi est joué avec une absence d’effets, plus il parle et touche.

Après tant de versions qui ne furent que de sempiternels Dies Irae, celle-ci me réconcilie avec cette partition ambigüe. Mariss Jansons a choisi, il dirige une messe et jamais un opéra, sa grammaire est impérieuse, roide, stupéfiante, une fresque toujours, un décor jamais.

Et son quatuor le suit, discipliné, mené par Krassimira Stoyanova et son soprano châtié, déployant un grand style auquel Saimir Pirgu n’atteint parfois qu’avec peine. Marina Prudenskaja met beaucoup de lumière dans son mezzo, comme aimanté par le timbre de Stoyanova, alors qu’Orlin Anastassov gourme son chant, le débarrassant de tout pathos. BR-Klassik édite le concert du 14 octobre 2013 en CD, alors qu’Arthaus Musik en restitue la captation réalisée pour la Télévision Bavaroise par Clasart Film. Vous avez donc l’embarras du choix, mais vous n’en aurez pas fini pour autant avec le Requiem de Verdi selon Mariss Jansons : le 2 avril 2010, au Festival de Pâques de Salzbourg, toujours avec son Chœur de la Radio Bavaroise mais avec les Berliner Philharmoniker, le chef letton obtenait une concentration du son plus minérale, et disposait d’un quatuor mieux apparié : Krassimira Stoyanova, Marina Prudenskaja, et Stephen Milling se trouvaient transportés par le sombre ténor de Jonas Kaufmann. Le son circule sur le net, le concert filmé dort dans les archives des Berliner qui seraient bien inspirés de l’éditer.

Après tant d’émotion, je mettais dans la platine un des tous derniers enregistrements de Lorin Maazel avec circonspection : Munich, Philharmonie in Gasteig, février 2014, soit cinq mois avant sa mort. La grâce à l’état pur et un moment d’éternité où Lorin Maazel inscrit son geste large dans le sillage de celui qu’imposa si souvent à son Orchestre Philharmonique de Munich Sergiu Celibidache.

Lecture fervente, d’une intensité d’expression bouleversante, qui elle aussi tourne le dos au théâtre pour ne penser que liturgie. Ce concert admirable de bout en bout se place naturellement parmi les sommets de la discographie du chef, porté par un quatuor de première force : écoutez seulement le Libera me d’Anja Harteros, bien plus inspirée ici qu’avec Antonio Pappano ou Daniel Barenboim, L’Ingemisco subtilement phrasé de Wookyung Kim, écoutez la discipline de chant à laquelle se plie Daniela Barcellona pourtant peu coutumière du fait, sans pour autant renoncer à son art d’incarner le texte où passe le souvenir de Fiorenza Cossoto, où l’autorité tranchante de Georg Zeppenfeld. Décidément un grand Requiem.

LE DISQUE DU JOUR

cover verdi requiem jansons brGiuseppe Verdi (1813-1901)
Messa da Requiem

Krassimira Stoyanova, soprano
Marina Prudenskaja,
mezzo-soprano
Saimir Pirgu, ténor
Orlin Anatassov, basse
Chœur et Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion bavaroise
Mariss Jansons, direction

Un album de 2 CD du label BR-Klassik 900126, et un DVD du label Arthaus Musik 102 205
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cover verdi requiem maazel sonyGiuseppe Verdi
Messa da Requiem

Anja Harteros, piano
Daniela Barcellona, mezzo-soprano
Wookyung Kim, ténor
Georg Zeppenfeld, basse
Chœur et Orchestre Philharmonique de Munich
Lorin Maazel, direction

Un album de 2 CD du label Sony Classical 88875083302
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Photo à la une : (c) DR