De l’art de bien rééditer, Vol. 18 : Seefried en jaune

Un malaise s’instilla lorsque je proposais de regrouper tous les enregistrements consentis par Irmgard Seefried à la Deutsche Grammophon en un fort coffret de la collection Original Masters – la soprano, passée 1960, ne se souciait plus du tout de ce qui ne la préoccupait d’ailleurs guère auparavant : la justesse. Avec cela, le timbre s’était asséché. Il fallait mieux oublier.

Photo Irmgard Seefried 1962Mais quoi, Seefried c’est Seefried, on ne lui dispute pas plus son art que sa justesse, ses mots que sa voix. D’ailleurs, ne serait-ce que pour ses mots, chaque syllabe de ce qu’elle grava reste indispensable.

Heureusement, Cyrus Meher-Homji, lui, n’a pas choisi, et nous rend tout ce que, dans sa généreuse maturité, Irmgard Seefried enregistra pour l’étiquette jaune, même ces Liebeslieder et Neue Liebeslieder de Brahms où elle emmenait de sa voix mutine Raili Kostia, Waldemar Kmentt et Eberhard Wächter, microsillon que j’ai usé jusqu’à la corde.

Mais alors, absolument tout ! Un volume de cantates – avec son rare et si émouvant « Weichet nur, betrübte Schatten » – deux d’airs d’opéras avec en complément Il Tramonto de Respighi où elle ne le cède que de très peu à la version ensorcelante de Sena Jurinac – ne sont que préludes à huit CD de lieder regorgeant de trésors.

Schubert en est le fil rouge – la voix de Seefried, si simple, si immédiate, si « à nu » y chante d’évidence – mais les mélodies de Mozart sont tout aussi irrésistibles. Elle éclaire les lieder du romantisme tardif, met de l’or à ses Strauss prodigieux d’abord par la vitalité des textes – Schlechtes Wetter est irrésistible – mais ce sont ses Wolf qui me tirent des larmes : Anakreons Grab, les quatre Mignon, tout ce qui est tiré du Italienisches Liederbuch, collection de merveilles !

Et du rare, vous aurez, Enfantines de Moussorgski, Scènes de village de Bartók, toutes en allemand certes, mais incarnées comme jamais. Il faut dire qu’elles sont enregistrées lors d’une tournée de concerts donnée en Allemagne en 1958. Sommet de la soirée, trois Mörike-Lieder de Wolf hors du temps !

Lorsqu’on songe que plus de la moitié de ces enregistrements paraissent pour la première fois en CD…

Cette somme irrésistible et imparfaite va m’accompagner tout l’été. Allez, encore une fois Seligkeit !

LES REFERENCES DE CE DOSSIER

The Art of Irmgard Seefried
Une édition de 11 CD de la collection « Eloquence Australie »

– Vol. 1, Airs d’opéra de Mozart, Haendel, Bizet, Beethoven, Il Tramonto de Respighi – DG 480 7227
– Vol. 2 : Airs d’opéras de Mozart, Weber, Thomas, Lortzing, R. Strauss – DG 4807228
– Vol. 3 : Lieder de Mozart, Schubert, Brahms, Moussogrsky, Bartok, Wolf, R. Strauss – DG 480 7229
– Vol. 4 : Lieder de Schubert, Beethoven, Cornelius, Schumann – DG 480 7230
– Vol. 5 : Lieder de Schubert – DG 480 7231
– Vol. 6 : Lieder de Schumann, Brahms – DG 480 7232
– Vol. 7 : Brahms, Deutsche Folkslieder, Liebeslieder, Neues Liebeslieder – DG 480 7233
– Vol. 8 : Lieder de Wolf, R. Strauss – DG 480 7234
– Vol. 9 : Lieder de Wolf, Hindemith, Reger – DG 480 7235
– Vol. 10 : Lieder de Wolf, Quattro Canzoni de Egk – DG 480 7236
– Vol. 11 : Cantates et airs d’oratorio de Bach, Haydn, Gounod – DG 480 7237

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Photo à la une : © DR