Tout d’un grand

Huit années déjà que Manfred Honeck a posé ses valises dans la capitale de la Pennsylvanie. Le Symphonique de Pittsburgh, orchestre historiquement formé de musiciens allemands et sudètes, a connu deux périodes de gloire : de 1938 à 1948, Fritz Reiner forma son identité sonore, virtuose, un rien sèche, avec des bois très typés, qui tournait le dos aux somptueuses machines symphoniques nord-américaines. De 1952 à 1976, William Steinberg étendit le répertoire en conservant les particularismes. En 2007, Manfred Honeck reprenait en main cette formation historique, et l’immergeait dans le répertoire mittel-Europa qui lui est si chère.

Projet principal au disque, une intégrale Mahler toujours en cours. Honeck fut tour à tour violoniste ou altiste au sein des Wiener Philharmoniker, qui l’engagèrent souvent comme chef invité, avant de collaborer régulièrement avec la Philharmonie Tchèque, il est en fait un pur produit de la tradition viennoise transplanté aux États-Unis.

Et c’est bien un saisissant paysage de Bohême qu’il dévoile dans sa lecture pleine de sel, d’une vigueur rythmique inouïe, de la Huitième Symphonie de Dvořák. Le lyrisme des phrasés, la variété des accents, la suractivité des rythmes en délivrent une lecture flamboyante, et souvent très subtile : écoutez seulement la reprise du premier thème de l’Allegretto grazioso ! La beauté des pupitres me laisse sans voix. Vite, je range le disque à côté d’une autre Huitième tout aussi éloquente, celle de Yakov Kreizberg et l’Orchestre Philharmonique des Pays-Bas qui avait remporté haut la main une Tribune des critiques de disques. Complément détonnant, co-signé par Manfred Honeck et Thomas Ille, un Suite symphonique tirée de la Jenůfa de Janáček où tient tout le drame.

Cette veine morave est pour Honeck évidente. Bruckner ne l’est pas moins. La preuve avec une 4e Symphonie fluide, envoûtante, travaillant sur le rayonnement de l’harmonie. Un orchestre ? Une forêt, des montagnes, un ciel, un voyage, et partout cette manière de phraser si particulière, grammaire précise, affutée, qui sait suspendre la phrase, trouve la poésie, évite l’emphase. Décidément, les mélomanes de Pittsburgh ont bien de la chance. Et maintenant, un nouveau volume Mahler ?

LE DISQUE DU JOUR

cover dvorak honeck pittsburghAntonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 8 en sol majeur, Op. 88
Leoš Janáček (1854-1928)
Jenůfa – Suite pour orchestre

Orch. Symph. de Pittsburgh
Manfred Honeck, direction
Un album du label Reference Recordings FR-710SACD

cover bruckner honeck pittsburgh
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 4 en mi bémol majeur, WAB104 « Romantique »

Orchestre Symphonique de Pittsburgh
Manfred Honeck, direction
Un album du label Reference Recordings FR-713SACD

Photo à la une : © Jason Cohn