Inoxydable

Quatre vingt-six ans : Karl Böhm monte sur l’estrade devant les Wiener Philharmoniker pour ce qui sera son dernier concert à Salzbourg. Un peu moins d’une année plus tard, il s’éteindra dans la ville natale de Mozart, et c’est Mozart qui occupe tout le concert du 30 août 1980 édité par Orfeo. J’admire la fluidité d’un discours qui refuse pour autant de se précipiter. Tout respire, tout chante, et Beethoven s’invite dans les Finales de la 29e Symphonie et plus encore dans celui de la Haffner.

Personne n’oserait plus aujourd’hui cette lecture prospective qui indique comment Böhm percevait l’histoire du classicisme. Dans son Mozart, Goethe paraît, et à sa façon c’est admirable de profondeur et d’élan, sans oublier pour autant une vivacité dans les accents, une fantaisie dans les ponctuations, tout un art de la surprise en musique qui dans un cadre impeccable met le sel d’un geste qu’on croirait improvisé.

Paradoxe ? Non, d’ailleurs le 19e ConcertoMaurizio Pollini se sent ici bien plus libre que lors de sa gravure de la même œuvre quatre ans plus tôt, déjà avec Karl Böhm et les Wiener, montre combien le discours concertant les accorde l’un à l’autre. Concertato libre, mais d’une finesse de propos, d’une attention à l’autre, d’un goût pour employer un mot passé de mode, qui donnent à leur Mozart une élégance et un esprit incroyables.

D’un pianiste l’autre, toujours chez Mozart et toujours à Salzbourg, mais cette fois avec les Berliner Philharmoniker : 15 août 1970. Cette fois, c’est Emil Gilels qui littéralement rêve l’ultime concerto, ce si bémol majeur dont l’esprit musardant et pourtant nostalgique est si difficile à saisir. Gilels en avait fait son concerto de Mozart favori, au point que les années passant, il ne jouait plus que celui-ci.

Quelques années plus tard, ils le fixeront ensemble au disque, mais avec les Wiener Philharmoniker. Gilels, toujours plus habité au concert, le phrase dès l’entrée comme un opéra, chanteur qui métamorphose son clavier en personnage. Böhm l’y encourage, précis et loquace. Ici tout rayonne. La 28e symphonie, ample et ardente, annonçait bien la couleur. Mais ce sera finalement la 2e Symphonie de Brahms, âpre, amère, nordique, d’une tension assez inimaginable qui sera le clou du concert. Böhm, avec les Berliner, donnait à ses Brahms un ton épique, pas si éloigné du geste de Furtwängler. Il était de sa race, on l’oublie trop.

LE DISQUE DU JOUR

cover böhm mozart pollini orfeo
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie No. 29
en la majeur, KV 201/186a

Symphonie No. 35 en ré majeur, KV 385 « Haffner »
Concerto pour piano
et orchestre No. 19
en fa majeur, KV 459

Maurizio Pollini, piano
Wiener Philharmoniker
Karl Böhm, direction

Un album du label Orfeo C8901141B

cover böhm mozart brahms testamentWolfgang Amadeus Mozart
Symphonie No. 28
en ut majeur, KV 200/189k

Concerto pour piano
et orchestre No. 27
en si bémol majeur, KV 595

Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73

Emil Gilels, piano
Berliner Philharmoniker
Karl Böhm, direction

Un album de 2CD du label Testament SBT2 1499

Photo à la une : (c) DR