Barati !

Encore un Concerto de Korngold ! Je mets le disque dans la platine, trop heureux de l’exclamation hypocrite que je viens de proférer : j’adore ce concerto-fantaisie depuis que je l’ai découvert à seize ans dans l’interprétation en concert de Jascha Heifetz sous la baguette pleine de caractère d’Efrem Kurtz, un microsillon tout bleu du label Rococo.

Et là, dès les premières mesures du thème du violon, commencé dans le grave, murmurando, cet inimitable ton de romance, puis l’envolée lyrique vers l’aigu. Un violon ? Un héros de cinéma, Errol Flynn en personne. Ce Concerto est complexe, une suite d’humeurs, ses emprunts aux partitions cinématographiques de l’auteur, alors dans son temps d’Hollywood, autorisent un orchestre qui passe du close up au panoramique en un instant, mais le violon reste toujours dans le cadre.

Si le thème principal de Another Dawn structure l’œuvre, le soliste le transforme peu à peu en une symphonie de timbres où tout l’orchestre s’engage : il faut savoir en doser les équilibres. Kristóf Baráti, que je suis depuis son Troisième Prix au Concours Reine Elisabeth 1997 – il avait alors délivré une interprétation rayonnante du Concerto de Beethoven – est le héros de cet album qui en plus du Concerto offre une version opulente de la trop rare Sonate.

Archet plein, style parfait, il met à la complexité de l’écriture de Korngold une variété de syntaxe détonante : les spiccatos sont incroyables de vivacité, les doubles cordes en bronze, la subtilité du jeu sur la chanterelle fait songer par sa finesse et son imagination à Kochanski plus encore qu’à Heifetz. Et l’orchestre qui lui répond, la Philharmonie des Pays-Bas du Sud, inconnu de moi à ce jour, ou plutôt l’enveloppe de ses sonorités aux harmonies si profondes, est mené avec lyrisme et ardeur par l’excellent Otto Tausk.

Pas mieux depuis la version grand luxe de Gil Shaham et d’André Previn, avec une prise de son aussi belle, et une dimension supplémentaire : le jeu si généreux de Baráti fait soudain du Concerto de Korngold le père spirituel de celui de Barber. C’est bien vu. Surprise, l’interprétation a été captée en concert.

La Sonate, œuvre heureuse du temps où Erich était l’enfant prodige chéri des Viennois, déploie ses sortilèges et ses intervalles inhabituels dans cet archet si leste, et dans le piano entêtant de Gábor Farkas. A sa manière, l’adolescent disait ici qu’il n’était pas si loin de l’idéal de la Sécession.

Et voici que, refermant l’album Korngold, j’ouvre celui des trois Sonates de BrahmsKristóf Baráti marie son archet diseur au piano élégant et évocateur de Klára Würtz. Perfection des équilibres, éloquence du chant, paysages et lumières variés, tout y est, y compris une certaine dimension onirique qu’avaient déjà débusquée Sergey Khachatryan et sa sœur pour leur disque chez Naive.

Déjà l’envie me prend de m’immerger dans l’intégrale des Sonates de Beethoven que Kristóf Baráti et Klára Würtz ont enregistrées pour le même éditeur. Je vous en écrirai deux mots.

LE DISQUE DU JOUR

cover barati korngold brilliantErich Wolfgang Korngold
(1897-1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 35 (1945)
Sonate pour violon et piano
en sol majeur, Op. 6
(1912-13)

Kristóf Baráti, violon
Gábor Farkas, piano (Sonate)
Philharmonie Zuidnederland
Otto Tausk, direction

Un album du label Brilliant Classics 9506

cover barati brahms brilliant
Johannes Brahms
(1833-1897)

Les 3 Sonates pour violon
– No. 1 en sol majeur, Op. 78 « Regen-Sonate »
– No. 2 en la majeur, Op. 100
– No. 3 en ré mineur, Op. 108


Kristóf Baráti
, violon
Klára Würtz, piano

Un album du label Brilliant Classics 94824

Photo à la une : (c) John Kringas