Magdalena Kožená ne surligne pas l’érotisme des Bilitis, le piano mystérieux de Mitsuko Uchida semble lui donner raison, les poèmes de Pierre Louÿs sont comme rêvés par l’une et l’autre, ce qu’ils sont d’ailleurs, Debussy les voilant dans des décors de songes.
Un malaise s’installe, n’est-ce pas l’opus le plus décadent coulé de la plume de Debussy, qui soudain donne la main au plus sombre des Baudelaire ? Leur Jet d’eau est assez miraculeux, les mystères de Recueillement, les directions perdues, quasi schönbergiennes de La mort des amants, rien des singularités d’un cycle effleuré par tant d’autres n’est ôté, dans la raréfaction, l’économie, la tonalité abolie à force de fluidité, de la grande musique moderne qui fera paraître par contraste le Second Livre des Poèmes pour Mi quasi sage, musique assez attendue où la syntaxe Messiaen semble embarrassée, aussi magnifiquement défendue soit-elle.
Mais restez chez Debussy : les subtilités des Ariettes oubliées ont-elles jamais trouvé interprètes aussi inspirées, dans l’extase comme dans la fantaisie (délicieux Chevaux de bois, ce petit côté Poulenc avant Poulenc…) ? De quoi espérer une suite, qui sait ?, chez Fauré, chez Roussel, chez Leguerney…
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
3 Chansons de Bilitis, CD 97
5 Poèmes de Charles Baudelaire, CD 70
Ariettes oubliées, CD 63
Olivier Messiaen (1908-1992)
Poèmes pour Mi – Deuxième Livre
Magdalena Kožená, mezzo-soprano
Mitsuko Uchida, piano
Un album du label Pentatone PTC 5187129
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Photo à la une : la mezzo-soprano Magdalena Kožená et
la pianiste Mitsuko Uchida – Photo : © DR