Le dessin ample, les couleurs assombries d’une Barcarolle quasi funèbre donnent le ton du disque : épique jusqu’à une certaine férocité qui convient bien à l’univers tourmenté des Scherzos, Alessandro Dejavan fouillant le clavier, éclairant dans de savants rubatos les polyphonies les plus enchevêtrées, et jouant en vrai romantique. Cela pourra surprendre, cet art de dire, de phraser jusque dans les passages méditatifs qu’un raptus soudain vient briser.
Je pense à Samson François qui lui aussi les faisait si amers, dans un piano d’encre, osant être singulier toujours. À son égal, Alessandro Deljavan a les moyens de sa politique, et l’art de faire sa grande technique invisible, comme à chaque fois qu’il aborde Chopin : ses Études, ses Valses, ses Mazurkas l’avaient assez prouvé, mais il gagne ici une hauteur de vue, une intensité expressive, preuve que Chopin lui aura ouvert les portes de cette maturité artistique qui saisit à l’écoute des deux Nocturnes, Op. 62, comme en écho à la section centrale du Premier Scherzo, fuligineux, fantasques, rêves éveillés dont les étranges beautés prennent sous ses doigts des élans baudelairiens.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Barcarolle en fa dièse majeur, Op. 60
Scherzo No. 1 en si mineur,
Op. 20
Scherzo No. 2 en si bémol mineur, Op. 31
Scherzo No. 3 en ut dièse mineur, Op. 39
Scherzo No. 4 en mi majeur, Op. 54
2 Nocturnes, Op. 62
Alessandro Deljavan, piano
Un album du label Challenge Classics CC720007
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Photo à la une : le pianiste Alessandro Deljavan –
Photo : © Jean-Baptiste Millot, pour Artalinna