Jeunesses

Couplage logique mais audacieux, huit cordes, en fait deux quatuors, pour capturer les ardeurs de deux génies dans leurs primes jeunesses. Mais les mettre en regard peut être dangereux : les fusées claires, le giocoso doré, les inventions d’après Bach ou Mozart que Felix Mendelssohn tissent dans ce qui pourrait être une grande sérénade de plein air, demandent des archets souples et vifs, comme à revers de ceux, plus ménétriers, plus dans les cordes, qu’Enesco exige : il note attaca à chaque début de mouvement, ses archets mordent, là où ceux de Mendelssohn s’envolent.

Eh bien les deux quatuors réunis par BIS et placés sous le magister d’Ilya Gringolts, réussissent l’un comme l’autre, Mendelssohn danse sur les pointes, pénétré d’un constant esprit de scherzo, alors que leurs archets abrasent les quatre poèmes ardents où Enesco semble défier avec avidité Beethoven lui-même : écoutez la fougue âpre du Scherzo, écoutez surtout cette valse folle aux lacis harmoniques délétères.

Enesco pensait l’œuvre comme une symphonie de chambre (et Schönberg n’est parfois pas si loin), arrachant au chef qui mit au point la création : « C’est horriblement beau ». Tout le génie d’Enesco, parfait jusque dans la folie, y rayonne, transfiguré dans cette lecture âpre, radicale, enivrante.

LE DISQUE DU JOUR

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Octet en mi bémol majeur,
Op. 20, MWV R 20

Georges Enesco (1881-1955)
Octet à cordes en ut majeur, Op. 7

Gringolts Quartet
Meta4

Un album du label BIS Records 2447
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Photo à la une : les membres du Gringolts Quartet et de Meta4 – Photo : © DR