La belle aventure

L’œuf ou la poule ? Deller inventa-t-il harmonia mundi ou harmonia mundi réinventa-t-il Alfred Deller ? Bernard Coutaz trouva dans le contre-ténor anglais ce pionnier serein qui, à compter de 1968, envola son label, mieux il lui donnait a posteriori l’essence historique de ce à quoi il se dévouait : enregistrer une révolution en marche, celle de la pratique musicale historiquement informée.

Purcell serait leur trésor commun, Alfred Deller avait retrouvé son vrai visage avec Gustav Leonhardt au début des années cinquante, non pas qu’il fut oublié, Kathleen Ferrier et après elles chaque contralto anglaise, d’Helen Watts à Alfreda Hogdson, l’avaient défendu et illustré, mais avec Deller, c’est la poésie même de Purcell qui venait vous serrer le cœur.

S’armant d’un consort et d’un ensemble vocal, Deller enregistra les plus grands ouvrages pour la scène, leur donnant du caractère à revendre, mais le plus étreignant de cet héritage restent les deux disques de songs « Music for a While » et d’anthems « O Solitude ».

Dans le premier ouvert par The Plaint, où le violon de Roderick Skeaping fait écho et où William Christie et Wieland Kuijken jouent les ombres, Deller résume son art de chanteur, éperdu et secret à la fois, élégiaque dans la blessure.

Dans le second, il sublime le texte romantique de Katherine Philips pour l’éternité : « O Solitude » sera devenu pour des générations un signal de ralliement à une juste cause, et harmonia mundi écrivait un nouveau chapître de l’histoire phonographique de la musique savante.

Cet ensemble précieux et fragile, daté et impérissable, s’assemble enfin dans un coffret qui aura cherché, et trouvé !, à approcher au plus près, par de nouveaux reports, la magie nostalgique qui tournait en trente-trois tours sur nos platines de jeunes gens, notre madeleine à nous que jusqu’à la fin nous chérirons de tendresses, d’affections, de dévotions.

LE DISQUE DU JOUR

Alfred Deller
The Voice of Purcell

Henry Purcell (1659-1695)

« O Solitude » – Songs and Anthems
O Solitude, Z. 406
O Lord, God of hosts, Z. 37
O Give Thanks unto the Lord, Z. 33
My song shall be alway, Z. 31
Hear my prayer, O lord, Z. 15
Blow up the trumpet in Sion, Z. 10

Music For a While
The Plaint, Z. 629/40
If music be the food of love, Z. 379
I attempt from love’s sickness
Fairest Isle, Z. 628/38
Sweeter than roses, Z. 585/1
Not all my torments can your pity move, Z. 400
Thrice Happy Lovers (The Fairy Queen, Z. 629/39)
An evening hymn, Z. 193
From Rosy Bow’rs, Z. 578
O lead me to some peaceful gloom, Z. 574
Retired from any mortal’s sight, Z. 581
Music for a While, Z. 583
Since from my dear Astrea’s sight, Z. 627

The Fairy Queen, Z. 629
The Indian Queen, Z. 630
Timon of Athens, Z. 632 – Masque
King Arthur, Z. 628

Alfred Deller, contre-ténor
Wieland Kuijken, basse de viole
William Christie, clavecin
Roderick Skeaping, violon (baroque)

The Deller Consort and Choir
Stour Music Chorus and Orchestra
The King’s Musick
Alfred Deller, voix et direction

Un album du label harmonia mundi HMX2904000.06
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Photo à la une : le contre-ténor Alfred Deller – Photo : © DR