Albert Dupuis

Un piano d’arpèges exhausse une mélodie qui une fois entendue ne pourra plus s’oublier dans sa montée, ses replis, son poème de parfum. Fauré ? Non, Albert Dupuis qui ouvre sa Sonate de 1922 par un Moderé pastorale dont l’approfondissement fera paraître une nostalgie certaine. Quelle merveille, comment expliquer qu’une des plus belles sonates produites par la Schola Cantorum reste si ignorée des violonistes, alors même qu’à l’égal de celle de Guillaume Lekeu, elle innove par rapport à Franck, agglomère d’autres univers, loin de tout rigueur : écoutez le Scherzo où semble rire un faune.

Partition magique, qui permet de retrouver l’archet si beau, diseur, capricieux, de Gaëtane Prouvost que le piano d’Eliane Reyes habille d’un jardin.

Le Lent qui suit déploie un récitatif commencé chez Franck mais qui soudain cherche ailleurs – il y a quelque chose d’anglais, un peu Elgar, tropisme certain chez les musiciens des Flandres – puis cela rêve sur les harmonies chaudes du piano, entre Lekeu et Debussy, nocturne en échappée belle. Le Finale roule une tempête, c’est le plus proche de l’esprit de Franck mais avec une fantaisie capricieuse dans le sombre, des harmonies osées, qui seront restées inconnues de l’auteur des Béatitudes.

Après l’élève, le maître. L’Andante placé en exergue de la Sonate de 1903, part de Bach et va jusqu’à Schumann, puis un chant s’élève comme cueilli lors d’une promenade dans les Cévennes. Tout D’Indy en une poignée de minutes.

Et la Sonate ? Le piano introduit un motif avec une élégance de temple classique, le violon vient y contre-chanter, D’Indy cherche à plier la perfection de la forme franckiste à un idéal rapsodique, creuse les harmonies, et puis cède pour un poème divagant, quel voyage que ce Modéré !

L’Animé qui suit, pizzicatos et piano guitare, est une sérénade pleine de piquant, où l’archet dévide des rubans fantasques, saute, retombe, imite la vièle, plus du tout Franck … mais tout de même ce chant beau comme un choral dans le trio. Le Finale commencera dans une lumière de pénombre, D’Indy vous prend par la main.

Disque magnifique, jusque dans son épilogue, un « sospiro » écrit par Ermend Bonnal au lendemain de la Grande Guerre pour la Reine des Belges qui aimait caresser les cordes de son violon d’un archet discret. Un si beau duo nous doit demain d’autres disques.

LE DISQUE DU JOUR

Albert Dupuis (1877-1967)
Sonate pour violon et piano
Vincent d’Indy (1851-1931)
Andante
Sonate pour violon et piano en ut majeur, Op. 59
Joseph Ermend Bonnal (1880-1944)
Après la tourmente

Gaëtane Prouvost, violon
Eliane Reyes, piano

Un album du label En Phases ENP007
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Photo à la une : la violoniste Gaëtane Prouvost – Photo : © DR