La révolution Magnard

On connaît l’anecdote d’un Orchestre National, se sentant à l’étroit dans le répertoire français, refusant à Charles Dutoit d’enregistrer l’œuvre d’orchestre d’Albéric Magnard. Autrement maître chez lui à Toulouse, Michel Plasson en avait passionné ses musiciens du Capitole, assez pour créer la stupeur : un grand compositeur français se révélait, entrant aux côtés de D’Indy, Chausson et Lekeu dans ce cénacle partagé entre Franck et Debussy.

Cela n’aura pourtant pas suffit, Magnard ne paraît toujours pas aux programmes des concerts des formations symphoniques françaises, et les chefs qui auront gravé les symphonies au disque, Jean-Yves Ossonce et Thomas Sanderling, auront trouvé leurs orchestres ailleurs.

Fabrice Bollon, trop heureux que son exceptionnelle phalange de Freiburg veuille tenter l’intégrale Magnard, a eu mille fois raison de s’y engager. Ouvrir le projet avec la Troisième Symphonie qu’Ernest Ansermet exhuma et imposa même aux ingénieurs de Decca – une autre version captée en concert éditée par Cascavelle prouve son attachement à l’œuvre – suppose une perfection dans le complexe jeu d’orchestre (Magnard écrit les instruments d’une façon singulière) : elle y est bien, mais en sus Fabrice Bollon sculpte la fresque tempétueuse du Finale, envole les Danses du Scherzo, fait résonner le choral en armure de l’Introduction avec une urgence et une intensité que seul Thomas Sanderling y aura mises.

L’orchestre de la Quatrième Symphonie, somptueux, très Dukas, plein de couleurs et d’une densité harmonique qui fait mentir la légende d’un Magnard uniquement conservateur est emporté par la battue lyrique du jeune chef, d’une précision implacable qui rappelle l’art de son maître Michael Gielen. Vite la suite, en espérant aussi qu’ensemble ils gravent à côté des deux premières Symphonies les autres œuvres d’orchestre.

LE DISQUE DU JOUR

Albéric Magnard (1865-1914)
Symphonie No. 3
en si bémol mineur, Op. 11

Symphonie No. 4
en ut dièse mineur, Op. 21

Philharmonisches Orchester Freiburg
Fabrice Bollon, direction

Un album du label Naxos 8.574082
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Photo à la une : le chef d’orchestre Fabrice Bollon – Photo : © DR