Poésie transcendantale

Il fallait l’oser ! Les Douze études de Sergei Liapounov eurent leur prophète : Louis Kentner y résuma son art par deux fois. La complexité du cahier, qui exige que la virtuosité de son interprète soit invisible et demande un jeu incroyablement félin, n’aura guère trouvé de pianistes capables d’y égaler ce mage, même Malcom Binns n’y parvint pas.

C’était sans compter sur les doigts d’elfe d’Etsuko Hirose (cf. photo ci-dessus) qui vient ébrouer son piano de conteuse : le Steinway qu’elle joue – clavier léger, médium chaleureux – est en soi une merveille qui correspond à son jeu fusant, à sa virtuosité consommée : comme Louis Kentner, Etsuko Hirose fait oublier les Etudes derrière des poèmes.

Son secret : rendre absolument claires l’écriture si abondante et les myriades de notes, sans affadir l’opulence harmonique. Sa main gauche si alerte l’y aide beaucoup, timbrant tout le spectre de l’instrument, et déployant les grands jeux de cloches que Liapounov goûte tant.

Elle renoue avec l’âge d’or des grands pétrisseurs d’ivoire, les Busoni, Rachmaninov, Lhevinne qui firent leur miel de ces pages où Liapounov, partant de Liszt, anticipe sur le piano de Debussy.

Cette projection s’entend dans le raffinement des couleurs, l’imagination alerte de cette interprétation fabuleuse au premier sens du terme : ce sont des contes que nous joue Etsuko Hirose, elle serait bien inspirée de se risquer à Nikolaï Medtner qui semble avoir écrit son piano touffu pour son art d’éclairagiste.

LE DISQUE DU JOUR


Sergei Liapounov (1859-1924)
12 Études d’exécution transcendante, Op. 11

Etsuko Hirose, piano

Un album du label Mirare MIR390
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Photo à la une : la pianiste japonaise Etsuko Hirose – Photo : © Jean-Baptiste Millot