Alpha et Oméga

Un Fauré de pas encore vingt ans apprivoise son piano : la Mazurka et surtout la Sonate (1863-1865) sont d’absolus inédits, le discours qui se souvient de Bach et ornemente avec délice est irrésistible, d’une fraîcheur inouïe, avec quelque chose d’espiègle et déjà des tentations d’évasions harmoniques, Fauré avant Fauré, mais qui l’est déjà un peu, quelle troublante sensation, d’autant que Nicolas Stavy le joue avec cette intelligence confondante qu’on lui sait, et les doigts du bon Dieu.

Ce que vérifie le reste du disque qui assemble des chefs-d’œuvre, à commencer par le Sixième Nocturne qui lance sa barcarolle sur des eaux sombres comme jamais. Ecoutez ce legato, cette main gauche qui chante dans la sourdine, la douceur du cantabile qui se perd dans l’onde, c’est vraiment d’un fauréen de première force, de la race des Ferber, des Perlemuter.

Comme cela chante et se suspend, également dans un Treizième Nocturne perdu, chant aux étoiles dont la divagation beethovénienne se courbe en une rêverie inquiète. Quel art aussi dans la Ballade, jamais anecdotique, ou dans la supplique immatérielle du Premier Nocturne. Et comme le Steinway du Reitsadel de Neumarkt sonne !

Voilà bien le disque Fauré que j’attendais depuis longtemps, mais maintenant il faut persévérer et continuer à enregistrer tout son piano en une suite de récitals aussi éloquents. Bravo Nicolas Stavy !

LE DISQUE DU JOUR

Gabriel Fauré (1845-1924)
Nocturne en mi bémol mineur, Op. 33 No. 1
3 Romances sans paroles,
Op. 17

Sonate pour piano en fa majeur (1863)
Mazurka en si bémol majeur (1865)
Nocturne No. 6 en ré bémol majeur, Op. 63
Nocturne No. 13 en si mineur, Op. 119
Ballade en fa dièse majeur, Op. 19

Nicolas Stavy, piano

Un album du label BIS-SACD 2389
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Photo à la une : le pianiste Nicolas Stavy – Photo : © Jean-Luc Caradec