L’art du discours

Le Couperin d’Olivier Fortin ne sera pas celui de tout un chacun. Adieu le faiseur de portraits, le pastelliste des sentiments, vous qui entrez ici, oubliez la Carte du Tendre. D’abord, l’instrument le commande : le fameux « faux » Nicholas Lefebvre inventé de toute pièces en 1984 est une splendeur, mais sévère, et qui joue hautain de timbres, de tons, d’accents.

Olivier Fortin entend ainsi d’ailleurs son Couperin, tout entier concentré dans le discours, les ornements, la langue même, et non dans le décor qu’il faudrait en donner à voir. Il n’y a pas bien loin à chercher pour trouver d’où vient ce Couperin exposé en pleine lumière, joué avec une rigueur qui rappelle l’omniprésence des canons esthétiques du Grand Siècle, Gustav Leonhardt le voulait ainsi, fouillant le texte et rien que le texte.

Olivier Fortin le prend au mot et relève le défi avec une sorte de superbe qui éclate dans le Huitième Prélude de L’Art de toucher le clavecin : ce chant porté comme par des danseurs est impressionnant de tension, de superbe malgré sa brièveté, et Les Timbres qui suivent, étude fabuleuse, en sont magnifiés.

Les apparitions des pièces tirées de L’Art de toucher le clavecin structurent l’album, et lui donnent un ton singulier, une certaine sévérité : même Le Tic-toc-choc met la fantaisie sous le couvert de la forme. Le Grand Architecte de l’Infime que fut Couperin paraît ici dans sa presque trop sévère splendeur, mais si l’on perd l’intime, on gagne la fascination d’un univers qui soudain n’est pas si loin que cela de celui de Bach.

Un disque à méditer.

LE DISQUE DU JOUR

François Couperin
(1668-1733)
L’art de toucher le clavecin
17 Pièces de clavecin tirées des Livres I, II, III, IV

Olivier Fortin, clavecin

Un album du label Alpha Classics 408
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Photo à la une : Le claveciniste Olivier Fortin – Photo : © Jean-Baptiste Millot