Une méprise accompagna les années où l’ouragan Carlos Païta mit sens dessus dessous la critique, d’ailleurs plus que les mélomanes. Les prises de son de Lodia, le label qu’il créa avec son fils pour enregistrer en toute liberté après quelques albums pour Decca, étaient si spectaculaires qu’on crut son art tout extérieur, uniquement préoccupé d’effets.
Avec la distance des années, et la brassée de publications que lui consacre aujourd’hui Le Palais des Dégustateurs, alternant rééditions de quelques enregistrements célèbres et éditions de bandes d’archives, certaines publiées pour la première fois, cet art altier paraît au contraire d’un classicisme souvent implacable : les Beethoven, jusque dans leur puissance, le prouvent, plus encore les tempêtes de la Première Symphonie de Brahms, plus implosives qu’explosive. Carlos Païta tient la bride à ses orchestres ; plutôt que l’illustration, ses Tableaux d’une exposition sont placés à l’exacte rencontre entre les eaux-fortes de Moussorgski et les raffinements de Ravel. En place de tableaux romantiques, sa Fantastique sonne tel un récit dont les hallucinations sont distanciées comme vu en quelque sorte en rêves ou en cauchemars, sans aucun débraillé. Cet art maîtrisé rappelle combien l’enseignement d’Artur Rodziński fut décisif pour le chef argentin.
Partout la maîtrise de la forme, la conscience d’arc qui doivent être tendus, le geste ample l’emportent sur les effets, les accents, le morcellement expressif, au point que ses Bruckner pourront sembler sévères et sa Huitième Symphonie de Chostakovitch d’une hauteur de vue terrifiante.
L’anthologie Tchaikovski rappelle qu’il fut fêté en Russie, où sa baguette stylée ne déparaît pas ce qui restait d’une certaine tradition de la direction impériale dont l’ultime tenant fut Evgeny Mravinski, mais écoutez aussi ce Concerto pour violon de Brahms avec la trop oubliée Ayla Erduran, ce lyrisme si sombre jusqu’à ce Finale ténébreux. Espérons demain que Decca libérera quelques licences, une Première Symphonie de Gustav Mahler, un Requiem de Verdi où brille entre autres Joséphine Veasey mériteraient de reparaître.
LE DISQUE DU JOUR
Modeste Moussorgki (1839-1881)
Tableaux d’une exposition (orchestration Ravel ; enr. 1981)
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique, Op. 14, H 48* (enr. 1978)
National Philarmonic Orchestra
*London Symphony Orchestra
Carlos Païta, direction
Un album du label Le Palais des Dégustateurs PDD039
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Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 9 en ré mineur,
WAB 109 (enr. live inédit, 1992)
Philharmonic Symphony Orchestra
Carlos Païta, direction
Un album du label Le Palais des Dégustateurs PDD043
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Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 8 en ut mineur, WAB 108 (enr. 1982)
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie No. 8 en ut mineur, Op. 65 (enr. 1981)
[London] Philharmonic Symphony Orchestra
Carlos Païta, direction
Un album de 2 CD du label Le Palais des Dégustateurs PDD036
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Piotr Ilitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie No. 4 en fa mineur, Op. 36, TH 27 (enr. 1980)
Marche slave, Op. 31, TH 45 (enr. 1994)
Hamlet – Ouverture-fantaisie, Op. 67, TH 53 (enr. 1994)
Capriccio italien, Op. 45, TH 47 (enr. 1994)
Roméo et Juliette – Ouverture-fantaisie, TH 42 (enr. 1994)
Symphonie No. 6 en si mineur, Op. 74, TH 30 « Pathétique »* (enr. 1980)
Russian Philharmonic Orchestra
*National Philharmonic Orchestra
Carlos Païta, direction
Un album de 2 CD du label Le Palais des Dégustateurs PDD037
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Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
National Philharmonic Orchestra (enr. 1981)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61
Ayla Erduran, violon – London Philharmonic Orchestra (enr. inédit, 1985)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 7 en la majeur, Op. 92 (enr. 1983)
Symphony No. 5 en ut mineur, Op. 67 (enr. 1981)
Philharmonic Symphony Orchestra
Carlos Païta, direction
Un album de 2 CD du label Le Palais des Dégustateurs PDD040
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Photo à la une : le chef d’orchestre Carlos Païta –
Photo : © DR