On ne sait trop ce qu’apporta la plume du Régent à l’Hypermnestre de Gervais, quelques parties de tambour ?, mais jusqu’ici ce fut le seul écho de son art, en fait rien. C’est assez dire à quel point la révélation de sa Suite d’Armide fait sens.

Le frère du Roi s’y révèle un compositeur de première force, participant au renouveau de la tragédie lyrique dont il avait savouré les arcanes dans sa longue fréquentation des ouvrages de Lully. Son génie s’affranchit des conventions de l’époque – modulations saisissantes, orchestre opulent, débordé de couleurs, vocalité libre. Dans cet art si français qui semble se métamorphoser sous nos yeux pour anticiper Mondonville, des italianismes s’instillent, un chant expressif éloigne le genre des rigueurs lullystes.

Et si Philippe d’Orléans avait écrit avec son Armide le fermoir des grandes tragédies suscitées par son frère ? Avec lui un âge nouveau paraît, et à l’écoute de cette partition somptueuse on ne peut que s’étonner de la voir enfin seulement enregistrer. Il suffisait d’en voir la musique pour en savoir la valeur.

Leonardo García Alarcón lui rend sa magnificence, animant les intrigues et les sortilèges (les dernières scènes de l’Acte III), ardant les combats (celui à l’écart de la scène de Tancrède et Argant, la bataille qui emplit l’Acte V), suspendant les épisodes lyriques et faisant les divertissements brillants au possible.

Il a pour lui une distribution parfaite, Véronique Gens, Armide idéale, Cyrille Dubois, Renaud conquérant au ténor éclatant, Victor Sicard, Tancrède tourmenté, Marie Lys, Herminie touchante, chœurs impeccables, restitution exemplaire qui laissent espérer demain, la résurrection de Penthée par les mêmes.

LE DISQUE DU JOUR

Philippe d’Orléans
(1674-1723)
Suite d’Armide ou Jérusalem délivrée,
tragédie en musique en 1 prologue et 5 actes

Marie Lys, soprano
(Herminie)
Véronique Gens, soprano
(Armide)
Gwendoline Blondeel, soprano (La voix de Clorinde, Une suivante d’Armide, Une Nymphe)
Cyrille Dubois, ténor (Renaud)
Nicholas Scott, ténor (Adraste, Alcaste, Un vieux berger)
Fabien Hyon, ténor (Vaffrin, Un guerrier)
Victor Sicard, baryton (Tancrède)
David Witczak, baryton (Ismen, Tissapherne)

Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Leonardo García Alarcón, clavecin, direction

Un livre-disque de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS125
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Photo à la une : le chef d’orchestre Leonardo García Alarcón –
Photo : © Benoît Lambert