Contes et tempêtes

Le nocturne doré du premier Conte de fées de l’Opus 20, beau comme un lieder, chante dans le grand piano d’Anastasia Vorotnaya, gorgé de teintes automnales, et illico l’ampleur des polyphonies, la profondeur des décors où Medtner dispose ses myriades de petites notes, sont portés par une main gauche diseuse qui creuse l’espace, fait entendre comme un orchestre.

Pour les divagations du Vent nocturne, cette main gauche si envoûtante sera un atout essentiel, Medtner y cousant littéralement sa dramaturgie, les perles de l’aigu s’y enchâsseront, les rythmes en fusant, les traits arachnéens en jaillissant comme les éclairs d’une tempête.

Admirable, jusque dans l’art des transitions où Medtner déploie des trésors de virtuosité dont la pianiste semble s’amuser, comme elle se joue des rythmes instables. Rien de cet univers si complexe ne lui échappe, mieux, elle réussit à en faire une éloquente synthèse pour vous immerger dans ce monde d’échos et de rêves, vous y noyer quasi. Sublime simplement, et pas si loin de ce que faisait le compositeur.

Une autre tempête emporte la Deuxième Sonate de Rachmaninov, jouée dans cette même nuance nocturne ; l’avoir rapproché de celle de Medtner l’éclaire sous un angle rarement envisagé : non pas une sonate, mais trois poèmes dont le second – ce Non allegro si mystérieux – est enfin chanté sans pathos : écoutez seulement l’envolée à l’aigu avant le retour du thème, pure magie qui se retrouvera pour trois Romances dans les arrangements d’Earl Wild, perles ajoutées par une pianiste qui met un point d’honneur à être secrète jusque dans sa biographie, naissance à Togliatti en 1995, les conseils de Dmitri Bashkirov et de William Grant Naboré, peu importe, l’entendre suffit.

LE DISQUE DU JOUR

Nikolai Medtner
(1880-1951)
Conte de fées, Op. 20 No. 1
Sonate pour piano en mi mineur, Op. 25 No. 2
« Le Vent nocturne »

Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
Sonate pour piano n° 2 en
si bémol mineur (version révisée de 1931)

Sergei Rachmaninov (1873-1943) / Earl Wild (1915-2010)
Do Not Sing, My Beauty (d’après Op. 4 No. 4)
Oh, Do Not Grieve (d’après Op. 14 No. 8
On the Death of a Linnet (d’après Op. 21 No. 8)

Anastasia Vorotnaya, piano

Un album du label Artalinna ATL-A042
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Photo à la une : la pianiste Anastasia Vorotnaya –
Photo : © Michal Novak