Puccini à Salzbourg

Christof Loy désencombre Il trittico, peu de meubles, et encore moins de décorum, avec en point d’orgue un coup de génie à la fin de Suor Angelica : la nonne, abandonnant l’habit sacerdotal, redevient femme dans une vie civile avec son enfant bien vivant. Le couvent, c’était donc l’enfer, impossible d’en douter après la violence épouvantable de la scène avec la Principessa. Vraiment inexorable, Karita Mattila est terrifiante face à l’Angelica résistante d’Asmik Grigorian autour de laquelle Salzbourg aura construit ce nouveau Trittico sans respecter l’ordre voulu par le compositeur.

On commencera donc par l’épisode florentin, pour poursuivre à Paris et finir au couvent. Pour Gianni Schicchi, le geste saura être aussi brillant que mordant, la comédie fusante mais sans grotesque, comme prise absolument dans le pur joyau de musique qu’y a distillé la plume alerte de Puccini : il suffit d’entendre le chant stylé de l’usurpateur selon Misha Kiria pour comprendre que la farce n’aura pas sa place ici, mais une galerie de portraits sentis tous incarnés avec art.

Sur les bords de la Seine, Asmik Grigorian nous remboursera de sa Lauretta un peu trop mure dans la comédie florentine par une Giorgetta qui en remontrerait au souvenir indélébile qu’en laissa Leontyne Price. Les deux hommes seront au même niveau, Burdenko terrible dans la scène finale, Guerrero séducteur et juste veule comme il faut. Sur tous, Franz Welser-Möst et les Viennois peignant avec art et émotion le plus bel orchestre qu’ait écrit Puccini. Ils ne décevront pas dans Suor Angelica, pour le vitrail comme pour la terreur, restant un rien en retrait à Florence, est-ce en accord avec le geste du metteur en scène qui ne veut pas déboutonner ?

Une palme supplémentaire pour Enkelejda Shkosa, l’autre fil rouge féminin de ce Trittico, Zita impayable, Frugola émouvante, Suora Zelatrice si juste de mots. Ne négligez pas ce Trittico, simplement le meilleur en vidéo.

LE DISQUE DU JOUR

Giacomo Puccini (1858-1924)
Il trittico

Il tabarro, SC 85
Roman Burdenko, baryton
(Michele)
Asmik Grigorian, soprano
(Giorgetta)
Joshua Guerrero, ténor
(Luigi)
Andrea Giovannini, ténor
(Il Tinca)

Suor Angelica, SC 87
Asmik Grigorian, soprano (Suor Angelica)
Karita Mattila, soprano (La Zia Principessa)
Hanna Schwarz, mezzo-soprano (La Badessa)
Enkelejda Shkosa, mezzo-soprano (La Suora Zelatrice)

Gianni Schicchi, SC 88
Misha Kiria, baryton (Gianni Schicchi)
Asmik Grigorian, soprano (Lauretta)
Enkelejda Shkosa, mezzo-soprano (Zita)
Alexey Neklyudov, soprano (Rinuccio)

Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Salzburger Festspiele und Theater Kinderchor
Wiener Philharmoniker
Franz Welser-Möst, direction
Christof Loy, mise en scène

Un DVD/Blu-Ray du label C Major Entertainment CM809004
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Photo à la une : la soprano Asmik Grigorian, dans le rôle de Suor Angelica – Photo : © Monika Rittershaus/Salzburger Festspiele