Maurice Ravel, l’entendant créer Ma mère l’Oye, fut touché au point de lui écrire. Trois années plus tard, il lui dédiera le merveilleux petit Prélude qui cache mal, sous son office de morceau de déchiffrage pour le Conservatoire, un soupir de tendresse où passe plus que de l’admiration.
Jeanne Leleu deviendra de pianiste virtuose un compositeur inspiré, reconnu, longtemps très joué par les formations de la Radiodiffusion française, antenne pour laquelle elle enregistra souvent en temps que pianiste, et pas seulement sa musique, il y aurait là peut-être une malle aux trésors à ouvrir dans ce qui fut enregistré des années quarante aux débuts des années soixante, avant que la maladie ne l’éloigne de la scène, mais pas de ses classes de déchiffrage et d’harmonie au Conservatoire National.
L’autre malle aux trésors c’est son œuvre. Le Quatuor avec piano, bercé de tendresses et d’embruns, aux rythmes piqués si ravéliens, est une pure merveille dans l’interprétation subtile, supra-élégante, qu’en offrent ici (en première mondiale au disque je crois bien) Célia Oneto Bensaid et ses amis. Pour beaucoup, elle sera une sacré découverte, rendant incompréhensible l’oubli dont la tire enfin Héloïse Luzzati.
Les années vingt seront fécondes, une fois son talent célébré par le Prix de Rome, les Sonnets de Michel-Ange, leurs déclamations magnifiques dans le sombre comme dans l’ardeur le prouvent, outre qu’ils ne sont pas si éloignés que cela de la syntaxe mise en œuvre par Lili Boulanger pour ses Clarières dans le ciel.
Plus anecdotiques, brillantes, savoureuses mais un peu courtes d’inspiration, les pièces tirées de son journal musical de la Villa Médicis rendent pourtant curieux de son Concerto pour piano dont le manuscrit semble avoir disparu, œuvre fêtée par le public comme par la critique.
La Boîte à Pépites enquête et nous promet d’autres volumes qui illustreront peut-être son œuvre d’orchestre : les Deux Danses, le Fronton antique, les Transparences, Nauteos, Virevoltes veulent être redécouverts.
LE DISQUE DU JOUR
Jeanne Leleu (1898-1979)
Vol. 1. Musique de chambre et mélodies
Quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano
Alexandre Pascal, violon –
Léa Hennino, alto –
Héloïse Luzzati, violoncelle –
Célia Oneto Bensaid, piano
Six Sonnets de Michel-Ange
Marie-Laure Garnier, soprano – Célia Oneto Bensaid, piano
En Italie (extraits : III. Au théâtre des marionnettes ; IV. Les Compagnons de saint François ; V. Sérénade de Pulcinella ; VII. Le Dimanche dans une osteria)
Célia Oneto Bensaid, piano
Un album du label La Boîte à pépites BAP06
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Photo à la une : la compositrice Jeanne Leleu –
Photo : © Lorène Gaydon/La Boîte à pépites