Deux mondes

On aura trop longtemps situé la Symphonie d’Ernest Chausson dans le sillage de l’école franckiste et son illusion du principe cyclique, les œuvres, contrairement aux Symphonies d’Albéric Magnard, ne se regardent pas un instant, Franck déduit son monde orchestral de l’orgue, Chausson emplit son orchestre de paysages, debussyste non par défaut mais par conviction.

C’est ce hiatus historique que Jean-Luc Tingaud souligne dans ce disque qui rend justice aux deux partitions à égalité. Pour Franck, l’ardeur orante qui va de l’ombre à la lumière déploie l’orchestre comme un orgue qui rayonnera en gloire au cours du Final : l’ascension verticale de la coda, appuyée sur la formidable colonne des Berlinois, ne pèsera pas, envolée.

Commencée dans un crépuscule, la Symphonie de Chausson devient ce poème de paysages et de cieux qui en fait un tableau impressionniste dont la syntaxe n’a plus rien de commun avec celle de Franck, stupéfiant si l’on songe qu’elle lui emboîte quasiment le pas à une année prés. Le Lent s’efface dans une nuance wagnérienne, avant que la flûte ne déchire le rideau. Adieu le monde d’hier, bonjour le plein air.

L’œuvre est magnifique, on le sait bien, Jean-Luc Tingaud est retourné au manuscrit original, corrigeant les fautes d’impression, faisant entrer plus de lumière, plus de couleurs, modelant la teinte funèbre du Très lent avec des phrasés émouvants à force de nostalgie.

Le Final pourra venir, pure tempête où l’orchestre arde sous cette baguette fulminante, quelle version !

LE DISQUE DU JOUR

César Franck (1822-1890)
Symphonie en ré mineur,
FWV 48, CFF 130

Ernest Chausson (1855-1899)
Symphonie en si bémol majeur, Op. 20

Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Jean-Luc Tingaud, direction

Un album du label Naxos 8.574536
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Photo à la une :le chef d’orchestre Jean-Luc Tingaud – Photo : © DR