Musiques pour les amis disparus

Le saisissement éprouvé par Francis Poulenc devant la Vierge noire de Rocamadour lui dicta ces Litanies où il pleurait avec pudeur la mort tragique de Pierre-Octave Ferroud, décapité en passant au travers du pare-brise de sa voiture, victime d’un accident de la circulation le 17 août 1936 lors d’un voyage en Hongrie.

Mathieu Romano et ses chantres d’Aedes ont raison d’ouvrir ce disque somptueusement sombre par cette imploration dite en voix droites, avec l’orgue éloquent dans la douceur de Louis-Noël Bestion de Camboulas, l’acoustique du réfectoire de Royaumont unissant le tout dans une épure où la douleur sait se faire violente.

Admirable, comme le bref motet de Janequin, non pas césure, mais trait d’union dans l’esprit même de Poulenc qui goûtait les Médiévaux, vers, littéralement, un autre univers.

Le Stabat Mater écrit pour l’ami cher que lui fut Christian Bérard, ses douze respirations qui sont autant de poèmes de l’âme meurtrie, l’écriture en vitrail qui laisser passer une consolation de tendresse solaire (superbe Quae moerebat bercé par Aedes et suspendu sur les flûtes), la douleur du Qui est homo, avec ses interjections maléfiques, quelle œuvre, quelle interprétation !

Marianne Croux pourra suspendre l’arabesque irréelle du Vidit suum, avec dans le parfum de sa voix comme le souvenir de celui de Régine Crespin, merveille d’un disque qui reviendra à Janequin, bouclant un itinéraire spirituel à nul autre pareil en un siècle tant meurtri.

LE DISQUE DU JOUR

Francis Poulenc
(1899-1963)
Litanies à la Vierge noire,
FP 82

Stabat Mater, FP 148
Clément Janequin
(1485-1558)
O doulx regard, o parler gratieux

Marianne Croux, soprano
Louis-Noël Bestion de Camboulas, orgue
Ensemble Aedes
Les Siècles
Mathieu Romano, direction

Un album du label Aparté AP323
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Photo à la une : le chef Mathieu Romano – Photo : © William Beaucardet