Le joli temps envolé

Elisabeth Schwarzkopf se faisait les yeux doux à elle-même pour « Im chambre séparée », sommet de son récital léger cherchant dans les marges impures d’un répertoire où elle aura imposé un raffinement du chant, et surtout des visages, en faisant quasiment une cinématographie sonore où passait Marlène Dietrich. Diana Damrau n’est pas à ce degré, ni de fini, ni d’émotion, corrigé par ce make-up incroyable qui empêche la larme de couler, secret de la Schwarzi.

Non, elle est trop bonne fille et à vrai dire me régale. Dans sa chambre si peu séparée, elle aura Jonas Kaufmann pour la faire fondre, si mâle dans son ténor de baryton, inutile de dire que tout cela va produire d’autre vertiges que ceux, grisés d’une sorte de nostalgie d’après l’amour, qu’y imaginait Schwarzkopf.

La colorature est toujours aussi brillante malgré la pointe du vibrato, et lui permet d’aller jusqu’à croquer l’air de la sangria de la Dolores imaginée par Willemetz et Vincy pour l’Andalousie de Francis Lopez. Son français ? Correct, assez pour ne pas gâter « J’ai deux amants » de L’Amour masqué, perle concoctée par Guitry pour Messager, mais il ne faut pas avoir Yvonne Printemps en tête.

Injustice !, tout le disque s’écoute avec un plaisir certain, on guette le retour de Kaufmann, on goûte le style impeccable d’Ernst Theis qui connaît son affaire jusque dans la nuance nostalgique de l’air de Friederike, une des plus belles pages de Franz Lehár.

Disque à savourer avec le champagne de la nouvelle année, surtout en ce temps sinistre qui font écho à celui où dansaient voici un siècle déjà nombre de ces pages, viatique bien innocent pour que l’histoire ne se répète pas.

LE DISQUE DU JOUR

Opérette
Wien · Berlin · Paris

Scènes et Airs, de Robert Stolz (Der Favorit, Im weißen Rössl), Paul Lincke (Frau Luna), Franz Lehár (Eva, Friederike, Paganini, Zigeunerliebe), Erich Wolfgang Korngold (Das Lied der Liebe, d’après « Das Spitzentuch der Königin » de Johann Strauss II), Emmerich Kálmán (Die Faschingsfee), Theo Mackeben (Die Dubarry, d’après « Gräfin Dubarry » de Carl Millöcker), Richard Heuberger (Der Opernball), Francis Lopez (Andalousie), Johann Strauss II (Das Spitzentuch der Königin), André Messager (Monsieur Beaucaire, L’Amour masqué), Paul Abraham (Ball im Savoy), Henri Christiné (Phi-Phi), Oscar Strauss (Manon (Eine Frau, die weiß, was sie will)

Diana Damrau, soprano

Jonas Kaufmann, ténor (tracks 4, 6, 8)
Elke Kottmair, soprano (track 11)
Emily Sierra, mezzo-soprano (track 11)

Münchner Rundfunkorchester
Ernst Theis, direction

Un album du label Erato 5054197827983
Acheter l’album sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-d finition sur Qobuz.com

Photo à la une : la soprano Diana Damrau – Photo : © Simon Fowler