Carte du tendre

Prendre chez La Fontaine une fable tragique pour en tirer une heureuse pastourelle rappelle que Mondonville est l’habitué des plus folles audaces.

Versailles verra cette pastorale en langue d’Oc qui ravira Louis XV par son sujet charmant et à peine leste où le berger Daphnis se languit pour Alcimadure qui doute de sa sincérité. Jeanet, le frère de l’amant malheureux, s’en mêlera, déguisé en soldat, affirmant qu’il est sur le point d’épouser la jeune fille pour mieux pousser Daphnis à agir ; mais il sera doublé par un loup qui poursuit Alcimadure et que Daphnis va tuer. Las !, sauvée, elle lui reste interdite. Daphnis résout donc de se tuer, Jeanet le prend de vitesse, annonçant la fausse mort de son frère qui bouleverse la coquette. Mais non, Daphnis est vivant et finalement le couple pastoral convole.

Sur cet argument savoureux qui illustre avec esprit l’art du badinage si cher au siècle libertin, Mondonville écrit une musique fabuleuse, emplie de danses savoureuses, brillante, légère, ardente, que l’occitan, qui emplit l’opéra de sa langue savoureuse après le prologue en français où Clémence Isaure, la Patronne de l’Occitanie (remarquable Hélène Le Corre), initie les jeux floraux toulousains, avive encore.

L’ouvrage est délicieux, Mondonville soignant chaque rôle en donnant des caractères bien spécifiques aux chanteurs prestigieux de la création. Elodie Fonnard n’a pas à craindre le souvenir de Marie Fel, elle triomphe d’une écriture aussi ornée que périlleuse, François-Nicolas Geslot est désarmant de fragilité et d’espérance, aigus à la volée et ligne de chant élégante malgré une écriture virtuose conçue pour Jélyotte lui-même.

Fabien Hyon donne du caractère à son Jeanet, bravo !, bravo surtout à Jean-Marc Andrieu et à sa vaillante troupe de ressusciter cette perle qui n’avait plus vu la scène depuis l’essai montpelliérain, enfin Dafnis e Alcimadura retrouve sa place au parnasse des ouvrages lyriques de Mondonville.

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772)
Daphnis et Alcimadure,
Op. 9

Elodie Fonnard, soprano
(Alcimadure)
François-Nicolas Geslot, haute-contre (Daphnis)
Fabien Hyon, ténor (Jeanet)
Hélène Le Corre, soprano (Clémence Isaure)

Chœur de chambre Les Eléments
Les Passions
Jean-Marc Andrieu, direction

Un album du label Ligia Digital LIDI0302354-23
Acheter l’album sur Amazon.fr

Photo à la une : le chef d’orchestre Jean-Marc Andrieu –
Photo : © Joyce Vanderfesteen