Mon pianiste

J’aurai grandi avec les disques de Byron Janis. Premier microsillon de lui offert pour mes onze ans, le couplage Rachmaninov/Prokofiev enregistré dix années plus tôt à Moscou avec Kirill Kondrachine. Quelle splendeur dans le Troisième de Prokofiev !, ce piano impérial, gorgé de couleurs et d’une virtuosité diabolique.

Je le retrouve considérablement ravivé dans le nouveau remastering proposé aujourd’hui par Thomas Fine. Ce que le microsillon rendait trop brillant disparait, rendant justice à la profondeur de ce grand meuble, aux phrasés sculptés et au toucher soudain diaboliquement aérien, traits caractéristiques d’un pianiste qui semblait marcher dans le sillage de Vladimir Horowitz.

Les gravures moscovites firent la réputation internationale de Byron Janis, il renouvelait le petit miracle opéré contre la Guerre froide par Van Cliburn, les mélomanes russes le sacrant d’abord comme un interprète majeur de Rachmaninov, dont il jouait les trois premiers Concertos avec une absence d’affect qui n’excluait pas l’émotion, Wilma et Robert Fine l’enregistrant à la Grande salle du Conservatoire de Moscou (la nouvelle édition fait enfin entendre l’acoustique de la salle).

Surprise, les deux Concertos de Liszt, moins repérés, sont tout aussi prodigieux, tenus, chantés, d’une élégance folle, mais en Europe, ils auront été quasi effacés par la gravure de Sviatoslav Richter et Kirill Kondrachine.

Le pianiste Byron Janis, au piano, avec au premier plan, son épouse et artiste peintre Maria Cooper Janis (fille de l’acteur américain Gary Cooper), en train d’élaborer un dessin – Photo : © DR

Qui se souvient du récital de Leningrad, publié fugitivement, ouvert par une désarmante Sonate en sol majeur de Mozart, toucher de nacre, et refermé, avant trois bis, par une lecture magistrale de la géniale (mais ardue) Sonate de Copland ? Au centre une Deuxième Sonate de Chopin admirable de classicisme, deux Liszt à tomber (Première Valse oubliée, Sonetto 104), et l’Arabeske de Schumann dans une nuance nostalgique.

Ah oui, Byron était un fabuleux virtuose, mais d’abord un poète et la somme Mercury, gravée avant son retrait de la scène, le montre au sommet de son art, dans la pleine possession de ses moyens, pour un fabuleux Troisième Concerto de Rachmaninov sous la baguette pleine de paysages d’Antal Doráti avec lequel il avait déjà gravé à Minneapolis une version anthologique du Deuxième Concerto.

Mais écoutez aussi son Premier de Tchaikovski, lyrique et brillant à la fois, son Concerto de Schumann, ses Tableaux d’une exposition où la narration est si précise (il me fait penser à Judina, le métal en moins).

Fabuleux coffret, artistement réalisé, dont vous pourrez filer l’écoute en continue grâce à un Blu-Ray Pure Audio qui rend justice à ce remastering exemplaire.

LE DISQUE DU JOUR

Byron Janis
The Mercury Masters

CD 1
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en ut mineur, Op. 18
Prélude en mi bémol majeur, Op. 23 No. 6
Prélude en ut dièse mineur, Op. 3 No. 2
Minneapolis Symphony OrchestraAntal Doráti, direction

CD 2
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en si bémol mineur, Op. 23 TH 55
London Symphony OrchestraHerbert Menges, direction

CD 3
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 3 en ré mineur, Op. 30
London Symphony OrchestraAntal Doráti, direction

CD 4
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour piano et orchestre No. 3 en ut majeur, Op. 26
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en fa dièse mineur, Op. 1
Orchestre Philharmonique de MoscouKirill Kondrachine, direction

CD 5
Franz Liszt (1811-1886)
Rhapsodie hongroise No. 6 en ré bémol majeur, S. 244/6
Valse oubliée No. 1, S. 215/1
Sonetto 104 del Petrarca (No. 5, extrait des « Années de pèlerinage II, S. 161 »)
Robert Schumann (1810-1856)
Romance en fa dièse mineur, Op. 28 No. 2
Novellette en fa majeur, Op. 21 No. 1. Markirt und kräftig
Manuel de Falla (1876-1946)
Le Tricorne – Partie II. Danza del molinero (version pour piano seul : Falla)
David Wendell Guion (1892-1981)
Alley Tunes, Three Themes from the South (extrait : III. The Harmonica-Player)
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Toccata, Op. 11
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Lied ohne Worte en sol majeur, Op. 62 No. 1. Andante espressivo
Frédéric Chopin (1810-1849)
Etude en fa majeur, Op. 25 No. 3
Valse en la mineur, Op. 34 No. 2
Octávio Pinto (1890-1950)
Scenas Infantis (3 extraits : I. Run, Run! ; III. Marcha, Soldadinho ; V. Salta, Salta)

CD 6
Franz Liszt (1811-1886)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en mi bémol majeur, S. 124
Orchestre Philharmonique de MoscouKirill Kondrachine, direction
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en la majeur, S. 125
Orchestre Symphonique de la Radio de MoscouGennadi Rozhdestvensky, direction

CD 7
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano et orchestre en la mineur, Op. 54
Minneapolis Symphony OrchestraStanisław Skrowaczewski, direction
Sonate pour piano No. 3 en fa mineur, Op. 14 (extrait : III. Quasi Variazioni. Andantino De Clara Wieck)
Arabeske en ut majeur, Op. 18

CD 8
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition

CD 9
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano No. 5 en sol majeur, K. 283
Robert Schumann (1810-1856)
Arabeske en ut majeur, Op. 18
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 35
Etude en fa majeur, Op. 25 No. 3
Etude en sol bémol majeur, Op. 10 No. 5
Franz Liszt (1811-1886)
Valse oubliée No. 1, S. 215/1
Sonetto 104 del Petrarca (No. 5, extrait des « Années de pèlerinage II, S. 161 »)
Aaron Copland (1900-1990)
Sonate pour piano
Manuel de Falla (1876-1946)
Le Tricorne – Partie II. Danza del molinero (version pour piano seul : Falla)

Byron Janis, piano

Un coffret de 9 CD et Blu-Ray [Pure Audio] du label Decca 4853607
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Photo à la une : le pianiste Byron Janis – Photo : © DR