La dernière séance

Dès les arpèges qui ouvrent la Fantaisie de Mozart, je vois Lillian Gish à son piano détruit par les Kiowas. La musique de l’œil, voici ce que célèbre dans cet album et au long d’un entretien de cinéphile, Jean-Marc Luisada.

Parfois, les notes sont consubstantielles à un univers, le binôme Nino Rota Federico Fellini qui ouvre et ferme le disque illustre cela, mais le vrai miracle est bien que soudain une musique ayant sa vie propre fasse ressurgir une pellicule mentale : les Intermezzi de Brahms suscitent Rendez-vous à Bray, discret chef-d’œuvre d’André Delvaux.

Autre secret le transfuge des couleurs qui va de l’image projetée au grand meuble et sait faire le chemin inverse : le piano notoirement versicolore de Jean-Marc Luisada parle d’abord à la rétine, et aussi à l’œil interne : le Sextuor, Op. 18 de Brahms, l’Elégie de Wagner, cette Mazurka de Chopin, autant de madeleines cinéphiliques.

Deux merveilles un peu distanciées : certes l’Adagietto de Mort à Venise dans l’émouvante transcription d’Alexandre Tharaud retrouve la magie des cordes de l’originale tant Luisada y tisse le chant dans les soies de son clavier, mais d’abord une poétique Rhapsody in Blue dans sa version pour le seul piano envolée par des doigts de magicien, où au-delà du Manhattan de Woody Allen, c’est Fred Astaire et Ginger Rogers qui dansent sur les notes, ma pellicule imaginaire, preuve qu’ici chacun peut se faire son cinéma.

LE DISQUE DU JOUR

Au cinéma ce soir

Nino Rota (1911-1979)
La dolce vita – Thème d’introduction
2 Valses sur le nom de Bach – No. 1. Circus-Valzer
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 5 – Adagietto (arr. pour piano seul : Alexandre Tharaud)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Fantaisie en ré mineur, K. 397
Johannes Brahms (1833-1897)
Thème et variations en ré mineur, Op. 18b (version pour piano seul de l’Andante con moderato du « Sextuor à cordes No. 1 en si bémol majeur »)
3 Intermezzos, Op. 117
Scott Joplin (1868-1917)
Solace
George Gershwin (1898-1937)
Rhapsody in Blue
Richard Wagner (1813-1883)
Elégie en la bémol majeur, WWV 93
Frédéric Chopin (1810-1849)
Mazurka en la mineur, Op. 17 No. 2

Jean-Marc Luisada, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV118
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Photo à la une : le pianiste Jean-Marc Luisada – Photo : © DR