La jeune fille blonde

Le songe noir, avec son cor ogre, qui ouvre le Preludio des Quatre Pièces, la petite musique avec célesta qui suit – citation probable de l’univers Schreker – jamais Béla Bartók n’aura composé d’opus aussi proche de la Seconde Ecole de Vienne comme des décadents germaniques. C’est cette parenté éclairante que Karina Canellakis, raffinant les textures, faisant émerger un sous-texte dramatique, souligne avec art, baguette mobile, qui saisit la moindre reptation, le moindre soupir. Quelle musique inouïe !, qui indique la première direction prise par Bartók, dont l’acmé sera le conte tout aussi enténébré du Prince de bois. Le couplage aurait été logique, mais la jeune femme, qui s’impose comme l’une des baguettes majeures de la nouvelle génération lui préfère le plus couru Concerto pour orchestre.

Choix assumé : elle l’entend non comme une œuvre américaine, un brillante exercice, mais bien comme un regard en arrière où Bartók passe en revue les différentes syntaxes, les vocables multiples de son univers. Presentando le coppie comme une scène de village, Elégie comme montée de la puszta, Intermezzo très Kodály, comme une pure ronde qui aurait pu se trouver dans une des Danses de Galanta. L’ombrageuse Introduzione, le Final éruptif sont en leurs propres termes saisissants par la ligne, expressive ou fusante, par le détail, la perfection du geste et du trait, laissant espérer une suite tant cet alliage entre la cheffe et l’univers Bartók est révélateur. Donc, demain Le Prince de bois, Le Mandarin merveilleux au complet ? Espérons.

LE DISQUE DU JOUR

Béla Bartók (1881-1945)
4 Pièces pour orchestre,
Op. 12, Sz. 51

Concerto pour orchestre,
Sz. 116

Netherlands Radio
Philharmonic Orchestra

Karina Canellakis, direction

Un album du label Pentatone PTC5187027
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Photo à la une : la cheffe d’orchestre Karina Canellakis – Photo : © DR