Presque rien

Dans sa note d’intention, Vestard Shimkus confesse s’assoir au couchant, en lisière de forêt, pour écouter les quelques rouleaux où Debussy joue six de ses Préludes. La magie du toucher, mais aussi une interprétation très libre qui ne peut-être que celle d’un compositeur (ce que Vestard Shimkus est également), l’inspire en ligne directe dans cet enregistrement effectué après que le pianiste a joué en concert les vingt-quatre images sonores.

Un fil continu se déroule d’un livre l’autre, le réglage millimétrée des dynamiques, un goût pour le presque-rien de son – l’impondérable de Voiles fascine -, l’art de faire comme Walter Gieseking un piano sans marteau même pour Feux d’artifice où tout n’est qu’onde jusqu’aux déflagrations, l’art de susciter en quelques mesures des plans sonores contrastés (La terrasse des audiences au clair de lune, La puerta del Vino), tout cela révèle une adéquation naturelle entre l’interprète et la partition.

Sommet de cette lecture libre dans la rigueur, les Préludes les plus secrets : Des pas sur la neige, Brouillards, Feuilles mortes, Bruyères, Canope sont si denses dans leurs estompes, si concentrés dans leur pianissimos !, et il faut entendre comment le pianiste sauve La fille aux cheveux de lin de la mièvrerie où tant la font tomber !

Enclore tout un monde dans ces haïkus, passer d’une manière invisible du microscopique au télescopique, voilà le secret de ce piano immense dans la raréfaction, la suggestion, comme si la révolution silencieuse de Federico Mompou avait commencé ici. Maintenant il nous faut les Images, les Estampes

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
Préludes, Livre 1, CD 125,
L. 117

Préludes, Livre 2, CD 131,
L. 123

Vestard Shimkus, piano

Un album du label Artalinna
ATL-A037

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Photo à la une : le pianiste Vestard Shimkus – Photo : © Janis Porietis