George Lepauw proposant à Orchid Classics d’enregistrer les Préludes de Debussy envoya à son directeur artistique la captation audio d’une intégrale des deux Livres qui avaient été filmés en 2007, alors qu’il était tout minot. Réponse de l’éditeur, après qu’il eut écouté la bande : pourquoi les ré-enregistrer ?
Les voici donc, le son sans les images (dont je reste tout de même curieux), et en prime sur la couverture, une photographie un peu surexposée du pianiste en jeune homme, signifiant que le temps a passé sur l’enregistrement. Dès Danseuses de Delphes, si difficile à force de simplicité, l’équilibre de l’harmonie, le grand son contrôlé, le jeu à dix doigts, l’air que l’on voit dans le paysage sont saisissants, la précision des espaces, le dosage des couleurs (et du jeu de pédales), comme l’ampleur dans Voiles, impavide, mystérieux dans le rayonnement même d’un clavier sans ombres.
À mesure, chaque Prélude provoque une surprise, tant l’art de suggérer du jeune homme est comme ancré dans la grammaire debussyste, dans les foucades (souvent orchestrales, ce piano sait être immense), comme dans la raréfaction : Des pas sur la neige, Brouillards, Feuilles mortes, Canope sont émouvants presque plus qu’ils ne devraient l’être.
Les mystères de La terrasse des audiences du clair de lune (souvenir d’une lecture de Loti), la féérie fantasmagorique d’Ondine, le paysage à tiroirs de Feux d’artifice sont tout aussi saisissants, et même la charge de Picwick, plus Dickens que Debussy, mais admirablement osée.
Voilà qui plaide pour que George Lepauw revienne à Debussy, les Images, Estampes, Pour le piano, les Études plus encore, car une fois passé l’épreuve des Préludes, où le Debussy le plus complexe se sera faussement résumé en évidences, cet univers lui appartient.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Préludes, Livre 1, L. 117,
CD 125
Préludes, Livre 2, L. 123,
CD 131
George Lepauw, piano
Un album du label Orchid Classics ORC100205
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Photo à la une : le pianiste George Lepauw – Photo : © Céline Oms