Grande Clemenza

Le mal aimé, mais pourtant l’ultime : La clemenza di Tito, parce que Mozart y revient pendant et après la Zauberflöte à l’italien, et plus encore à un impeccable format dérivé de l’opera seria, est restée longtemps méprisée, plus aujourd’hui heureusement : son bref condensé dramatique resserré en deux courts actes indique bien que Mozart y poursuit une révolution têtue : marier d’un même geste l’émotion et le drame, la psyché et l’action. Si un chef a compris cela, il trouvera d’emblée les bons tempos, le flot des sentiments, l’ardeur des affects conduisant d’une main certaine l’élan dramatique du tout.

Eh bien, nonobstant la pandémie qui aura privé cette Clemenza de public, Ben Glassberg, le jeune patron musical de l’Opéra de Rouen, a compris le ressort secret de ce théâtre des sentiments, direction fluide mais qui n’oublie jamais la vie de la scène – l’incendie du Capitole est saisissant tout comme la confusion sentimentale de Sesto – et un art d’être au plus près de la ligne des chanteurs qui fait applaudir l’excellence des musiciens rouennais, son cor de basset d’abord (il aurait mérité d’être nommé : Nahoko Yoshimura ou Lucas Dietsch ?).

Distribution en or : le Tito de Nicky Spence en surprendra plus d’un, timbre centré, éloquence châtiée qui ose pourtant exposer les tourments et incarne les mots au point de faire entendre différemment bien des passages (Dei più sublime soglio, qui le faisait si sombre ? …. Ah oui, Eric Tappy dans la vidéo romaine).

Splendide Vitellia, opulente et ardente selon Simona Šaturová, sublime Servilia de Chiara Skerath, délicieux Annio d’Antoinette Dennefeld, parfait Publio de David Steffens, mais tous s’inclinent devant le Sesto perdu, émouvant, et sublimement chanté avec cette grâce inhérente à toute mozartienne, d’Anna Stéphany, perle de cette nouvelle version où brille un continuiste inspiré, Julio Caballero Pérez.

Serait-ce le premier volet au disque d’un cycle Mozart de l’Opéra de Rouen et des équipes de Ben Glassberg ? Espérons.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
La Clemenza di Tito,
K. 621

Nicky Spence, ténor (Tito)
Simona Šaturová, soprano (Vitellia)
Anna Stéphany, mezzo-soprano (Sesto)
Chiara Skerath, soprano (Servilia)
Antoinette Dennefeld, mezzo-soprano (Annio)
David Steffens, basse (Publio)

Chœur Accentus
Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie
Ben Glassberg, direction

Un album du label Alpha Classics 793
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Photo à la une : le chef britannique Ben Glassberg – Photo : © DR