Zimmermann, la jeunesse

Frank Peter Zimmermann n’avait pas encore ses vingt ans lorsqu’il grava son premier disque : deux Concertos de Mozart, classique couplage des 3e et 5e, étiquette Electrola, pour le marché germanique et accompagné par une formation régionale, l’ensemble d’Heilbronn dirigé par Jörg Faerber, mais déjà la pure beauté de la sonorité sans chichi, l’élégance des phrasés, et la vitalité sereine de l’archet indiquaient un artiste, et qui saura être fidèle aux musiciens de ses débuts, poursuivant l’intégrale Mozart avec eux.

Entre temps, et pour ses vingt ans, Zimmermann prit tout le monde à revers avec ce qui semblait le plus éloigné à son art : les Caprices de Paganini. Virtuosité invisible, de la musique partout et souvent d’une beauté que seuls Michael Rabin et Nathan Milstein avaient su y trouver. À l’autre bout de ses années EMI, sa prodigieuse lecture des Sonates d’Ysaÿe, si gorgée de poésie, si littéraire, semble répondre à ce premier coup de maître des Caprices. Entre temps, Zimmermann aura construit en treize années un parcours discographique qui a chaque nouvelle parution interrogeait la discographie.

En musique de chambre d’abord, imposant un ton de plein air aux Sonates de Mozart, Alexander Lonquich par sa fantaisie, son sens de l’improvisation, le poussant au-delà d’une réserve naturelle qui restait encore un rien concomitante à son art. Au-delà de Mozart, les deux amis se feront un petit paradis XXe siècle, Prokofiev en tête, mais aussi la Sonate (No. 2) de Ravel, inouïe d’audace, celle de Debussy, faunesque, gorgée de couleurs, et des raretés trouvées chez Janáček, Milhaud, Auric même.

Le violoniste Frank Peter Zimmermann – Photo : © Andreas Endermann

La panoplie des concertos offre un Beethoven radieux et des Mendelssohn ailés grâce aux accompagnements dansés de Jeffrey Tate, un Premier de Prokofiev arachnéen enflammé par Maazel (le Deuxième avec Jansons n’atteint pas à la même évidence, alors que leur Sibelius est saisissant, montrant la mue qui va s’opérer dans le jeu, plus ample, plus creusé).

Il faudrait tout citer, il faut tout entendre, et même (re)découvrir comme le concert pour les 70 ans de Richard von Weizsäcker, édité au complet où un rayonnant 3e Concerto de Mozart est précédé par un génial Im Sommerwind de Webern selon Gary Bertini), mais d’abord ce Concerto de Schumann enfiévré (face à celui de violoncelle, stupéfiant, sous l’archet de l’ami Heinrich Schiff), et surtout la collaboration brahmsienne avec Sawallisch, Double Concerto (Schiff toujours), Concerto, Trio avec cor, Wolfgang Sawallisch s’asseyant au piano, Marie-Luise Neunecker les rejoignant.

Coda en 2001, chez Teldec, avec le Concerto pour violon de Ligeti : l’archet âpre, le jeu mordant, l’imagination des registres, le nouveau Zimmermann était né, celui d’avant et de pendant la mue reste toujours aussi essentiel.

LE DISQUE DU JOUR

Frank Peter Zimmermann
The Complete Warner Recordings

Œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, Niccolò Paganini, Ludwig van Beethoven, Felix Mendelssohn-Bartholdy, Piotr Ilyitch Tchaikovski, Sergei Prokofiev, Johann Sebastian Bach, Alban Berg, Igor Stravinski, Maurice Ravel, Claude Debussy, Leoš Janáček, Georges Auric, Jean Françaix, Erik Satie, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Jean Sibelius, Robert Schumann, Antonín Dvořák, Alexander Glazunov, Eugène Ysaÿe, Camille Saint-Saëns, Johannes Brahms, Kurt Weill, György Ligeti

Frank Peter Zimmermann, violon

Un coffret de 30 CD du label Warner Classics 0190296317880
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Photo à la une : le violoniste Frank Peter Zimmermann – Photo : © Warner Classics