Souvenir d’enfance : un LP de Christian Ferras et de Pierre Barbizet dont la pochette s’ornait d’un Klimt ne quitta guère la platine l’année de mes treize ans. La Sonate d’Enesco m’accompagnait jour et nuit, je faisais encore tourner le disque en gagnant le sommeil. Jamais je n’avais vraiment retrouvé l’ardeur, la fantaisie audacieuse, la liberté de Ferras, pas même lorsqu’Enesco accompagnait Serge Blanc, mais aux premiers égrenages du piano, David Lively retrouve le caractère improvisé que le compositeur, se jouant, osait.
Sur cette invite façon cymbalum, Tatiana Samouil flûte son violon, oiseau dans la ramée, lautari jouant comme pour lui seul une doina, le paysage s’ouvre, tout un monde perdu va en jaillir, emporté par ce clavier éclatant. Merveille, comme les ors décadents du trop peu couru Impromptu concertant.
Le voyage balkanique continuera chez Weinberg par un de ses opus les plus consonnants, par les chants et danses notés par Bartók en Roumanie, emportés d’un archet tour à tour fusant ou rêveur, avec toujours ce piano monde qui évoquera un orchestre pour une lecture fulgurante de Tzigane où Ravel invente un saisissant folklore imaginaire : on oublie la virtuosité, invisible, devant le flot des images.
LE DISQUE DU JOUR
Gypsy Journey
Georges Enesco (1881-1955)
Impromptu concertant
Sonate pour violon et piano No. 3 en la mineur, Op. 25
« dans le caractère populaire roumain »
Mieczysław Weinberg (1919-1996)
Rhapsodie sur des thèmes moldaves, Op. 47
Béla Bartók (1881-1945)
6 Danses populaires roumaines, Sz . 47, BB 68 (version pour violon et piano)
Maurice Ravel (1875-1937)
Tzigane, M. 76
Tatiana Samouil, violon
David Lively, piano
Un album du label Indésens INDE150
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Photo à la une : la violoniste Tatiana Samouil – Photo : © Michel Cooreman