Grands écarts

Opus 1. Qui reconnaîtra Prokofiev, du moins le Prokofiev du Troisième Concerto, dans la Première Sonate, où flotte encore comme un souvenir de Schumann ?

Et qui n’entendra pas dans la 5e Sonate une couleur toute française, un petit côté Poulenc, des allures de sonatine même dans la mouture de 1953 choisie par Alexander Melnikov, colorée d’un peu d’Amour des trois oranges. L’ironie derrière le giocoso, le souffre derrière l’ingénuité, cette alliage d’abandon et de crispation, Alexander Melnikov les fait entendre comme peu avant lui, György Sándor peut-être, plus tout à fait en doigts et sur un méchant piano.

Si ce troisième volume boucle une intégrale des Sonates, sa grande affaire reste bien une version millimétrée des Visions fugitives, mystérieuses et acides, minimalistes comme du Webern, ce que le jeu supra élégant, un peu distancié, d’Alexander Melnikov, qui fait patte de velours et griffe de fauve, souligne.

Quels mystères de fond de temple, quels démons, célèbre-t-on dans ce cycle aux questions multiples, aux suspens inquiétants ? Ah oui, le plus fort reste bien d’avoir au travers des notes si fidèlement saisi l’esprit des mots de Balmont qui ont ici guidé Prokofiev, jamais plus enfant terrible qu’en cet opus et laisse espérer demain une suite avec les Etudes, les Contes de la grand-mère, Sarcasmes, etc.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour piano No. 1 en fa mineur, Op. 1
Sonate pour piano No. 3 en la mineur, Op. 28
Sonate pour piano No. 5 en ut majeur, Op. 135 (version 1953)
Visions fugitives, Op. 22

Alexander Melnikov, piano

Un album du label harmonia mundi HMM 902204
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Photo à la une : le pianiste Alexander Melnikov – Photo : © DR