Janus

La harpe de Bérangère Sardin distillant dans une lumière d’Afrique le Cantabile de la Sonate en sol majeur dit d’emblée la singularité du disque. Un Scarlatti peut en cacher un autre, ou plutôt la postérité s’est employé à cacher un Scarlatti par un autre. Non pas la confusion entre le père Alessandro et le fils Domenico, mais bien entre Domenico et lui-même.

La fascination qu’auront exercée au XXe siècle les 555 Sonates inventoriées et éditées par Ralph Kirkpatrick aura oblitéré ses musiques vocales qui montrent dans ce disque la bascule entre deux mondes.

Le sublime Stabat Mater aux polyphonies roides, à l’accompagnement minimaliste, regarde vers le passé, saisissant l’essence de l’ancien style a cappella tombé en désuétude au XVIIIe siècle, ce qui accroit encore son pouvoir de fascination si subtilement animé par Bertrand Cuiller.

D’un autre monde semblent venir les deux cantates profanes, et les fragments pris à Amor d’un’Ombra e Gelosia d’un’aura qui retrouve les éléments syntaxiques du baroque tardif magnifié par un génie mélodique stupéfiant : écoutez Sento, che a poco, a poco. Et pleurez qu’on sache si peu des oratorios et des opéras de Domenico, perdus encore aujourd’hui pour la majorité d’entre eux, retrouvés peut-être demain ?

Une autre sonate, dans les couleurs ajoutées par Charles Avison, encore une autre sonate mariant violon et clavecin, enfin une sonate cette fois par Bertrand Cuiller à son seul clavecin. Et si demain, une fois finis ses Couperin, il revenait au clavier de Scarlatti qu’il joue depuis longtemps et qu’il a déjà effleuré au disque ?

LE DISQUE DU JOUR

Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonate pour clavier en sol majeur, K. 144 (version pour harpe seule)
Stabat Mater
Sonate pour clavier en ré mineur, K. 90 (version pour violon et basse continue)
Amor d’un’Ombra e Gelosia d’un’aura (3 extraits : Sento, che a poco, a poco ; Dammi un poco … Ma di raggione ; Dio d’amor … Arcier fatale (a)
Sonate pour clavier en ré mineur, K. 213
O qual meco Nice cangiata (extrait : Sinfonia>
Pur nel sonno almen tal’ora
Charles Avison (1709-1770)
Concerto grosso No. 3 en ré mineur d’après Domenico Scarlatti (extrait : Allegro)

Bérengère Sardin, harpe
Emmanuelle de Negri, soprano
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor

Le Caravansérail
Bertrand Cuiller, direction

Un album du label harmonia mundi HMM905340
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Photo à la une : le claveciniste et chef Bertrand Cuiller – Photo : © Jean-Baptiste Millot