Achèvement

Dmitri Alexeev aura pris son temps : dix ans pour graver toute l’œuvre pianistique de Scriabine dans divers salles de concert de ce Londres qui est devenu sa seconde patrie depuis sa victoire au Concours de Leeds 1975. Un contrat trop bref sous étiquette HMV lui aura permis de graver quelques albums parfaits où son jeu stylé, sans une once de pathos, aura revisité d’un bonheur égal Chopin ou Schumann.

Scriabine paraissait souvent dans ses programmes de concert dès les années 80, il polissait tel groupe de Préludes, envolait telle Sonate. À soixante-dix ans, plutôt que de reprendre les grands opus du romantisme qu’il n’a jamais délaissés, il aura donc préféré Scriabine.

Volonté évidente d’en retirer le souffre (manière de ne pas se confronter à Sofronitzky, à Stanislas Neuhaus ?), d’aller d’abord chercher les références à Chopin, et pour les ultimes opus un modernisme assumé, sans plus aucune vapeur d’encens.

C’est souvent révélateur dans les ultimes sonates de cette abolition par l’abondance de la tonalité, comme si Alexeev voulait tirer Scriabine vers la Seconde Ecole de Vienne, l’ancrer comme l’alpha des futuristes russes qui vont dessiner de nouveaux paysages sonores. Transcendant, par les moyens, comme par l’intelligence.

Pour les pièces de la première manière, Préludes, Valses, Mazurkas, Etudes, tout ce qui rattache si intimement Scriabine à Chopin, un chic fou, une élégance sans tapage, avec ce soupçon à peine esquissé de décadence.

Ensemble magnifique, émouvant aussi car c’est l’œuvre majeure, et peut-être le testament spirituel d’un tout grand pianiste resté toujours trop discret.

LE DISQUE DU JOUR

Alexandre Scriabine
(1872-1915)
L’Œuvre pour piano (Intégrale)

Dimitri Alexeev, piano

Un coffret de 8 CD du label Brilliant Classics 95913/8
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Photo à la une : le pianiste Dmitri Alexeev – Photo : © DR