Épiphanie

Caplet, gazé à la Grande Guerre, cultiva une veine mystique qui changea radicalement le visage de son mince corpus : si Le Miroir de Jésus s’abreuve aux mystères du Rosaire, Epiphanie est inspirée par une ancienne légende de l’Ethiopie chrétienne.

Le ton exotique de l’œuvre s’incarne dans une finesse d’écriture orchestrale qui rappelle quel maître de la phalange symphonique fut celui qui orchestra Children’s Corner ou La Boîte à joujoux et mit sa plume au Martyre de Saint-Sébastien. L’œuvre est inclassable, certainement pas un concerto, Maurice Maréchal puis Madeleine Monnier la défendirent avant qu’elle ne disparaisse des concerts et que Frédéric Lodéon la ressuscite au disque.

Depuis deux autres versions se sont ajoutées, signées par Eduardo Valenzuela puis par Marc Coppey, Nadège Rochat ajoute aujourd’hui sa fantaisie poétique, savourant le ton mystique du Cortège commencé dans des couleurs respighiennes : sa grande montée arpégée semble initier à un mystère que son archet capricieux anime avec une finesse de traits qu’elle mettra aussi à la grande Cadence, si saisissante par ces ruminations sur le fond lointain d’un tam-tam obstiné, y égalant Frédéric Lodéon, avant de faire danser son violoncelle dans une Danse des petits nègres pleine de fantaisie, tout cela avec l’apport d’un orchestre évocateur beau comme un Douanier-Rousseau.

Je retrouve la sonorité si lyrique de son Nicola Amati au long d’un Concerto de Dvořák effusif, empli de phrasés singuliers, où l’ampleur de sa sonorité, son éloquence sans charge, rappellent qu’elle nous doit au disque les grands concertos du répertoire, d’autant que la direction pleine d’autorité de Benjamin Levy lui donne toute l’ampleur requise pour qu’elle puisse faire chanter son archet, mais elle ne m’en voudra pas de classer son nouveau disque à Caplet.

LE DISQUE DU JOUR

Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en si mineur, Op. 104
André Caplet (1878-1925)
Epiphanie, Op. 22

Nadège Rochat, violoncelle
Royal Scottish National Orchestra
Benjamin Lévy, direction

Un album du label ARS Produktion 38301
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Photo à la une : la violoncelliste Nadège Rochat – Photo : © DR